dimanche 28 février 2010

la forge et la modernisation

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Dans l'histoire, il y en a bien de ces moments où l'on se sent bien; je veux parler de ces époques de paix où les jours se suivent comme un tranquille renouvellement du quotidien. On pourrait rester comme ça une éternité, Dieu sait si on a le temps! Mais non! Il faut du changement, des machines, du progrès, de la dynamique de croissance...Bon. Personnellement j'ai horreur de la routine, mais je crois qu'il faut parfois s'arrêter pour réflechir un peu sur les concepts d'innovation et de développement.
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J'écris cet article parce que je viens de parler avec plusieurs forgerons maliens qui veulent aller de l'avant. Ils disent que le Mali est en retard, il faut donc moderniser les techniques. Il s'agit, pour certains, d'entrepreneurs qui ont laissé la tradition familiale de forgeron. Ils ont préféré laisser un travail physique harassant pour connaître le succès dans les affaires. Et pas forcement dans la métallurgie.
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D'autres forgerons exercent encore, mais pestent contre ces conditions de travail primitives des ateliers où il n'y a pas l'électricité! Rappelons qu'une majorité des artisans coupent leur métal au marteau et au burin; point de meuleuse! Un vieux du métier m'a avoué qu'il rêve de travailler au tour mécanique pour le décharger de son labeur de métallier (fabrication de braseros en tôles assemblés en languettes). Comment les contredire, on est en Afrique, il fait chaud et il y en tant qui donnent l'illusion de s'enrichir sans peine! Pourtant si nous perdons la tradition culturelle que représente la forge, je crois que c'est une grande partie de nous mêmes que nous assassinons.
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Au Mali aujourd'hui en 2010, il faut savoir que les ressources naturelles sont difficilement exploitées/exploitables. Cela fait 6 mois que le pays reste sans gaz et on cuisine d'est en ouest au charbon de bois! Il reste encore beaucoup de réseaux d'eau potable à installer, l'électricité est un luxe en dehors de la capitale et des grandes villes. Mais, tout le monde a son ou ses portables!
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Pourtant, dans ce grand et noble continent c'est un décalage avec le temps qui pouvait nous faire rêver. Comme une sagesse qui commande de ne pas aller trop vite, de ne pas tout griller. Rester dans la simplicité et l'harmonie. Une humanité où, comme au moyen âge, l'homme est fort parce que chaque jour il se confronte à la nature, à la terre aux éléments...je sais ce que l'on me dira, mais je demande que l'on se penche un peu sur le problème de la vitesse! La vitesse du développement. Pourquoi systématiquement annuler et remplacer ???

vendredi 26 février 2010

Forgeron Poseidon

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J'ai eu l'extrême privilège d'être reçu par une très grande famille de forgerons du peuple sumono au Mali. J'ai vu un mythe. Une chance.
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En allant dans ce village, je ne m'attendais pas à trouver l'archétype de la forge familiale traditionnelle africaine. Et pourtant, comme des tambours, les marteaux m'ont appelé. Les courants inversés du Niger n'ont pu m'empêcher de trouver cette oasis divine. L'atelier est très grand, ce n'est pas une paillote. C'est un sanctuaire en terre aux façades ajourées ou délabrées en train de s'écrouler dans le Niger. Une forge hors du temps avec ses gros soufflets en peau de bique...
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Baba, le chef de famille, trône et supervise le rythme furieux de cet atelier aux 4 forges, 8 enclumes que font rugir au moins douze personnes. De son regard bleu profond, presque aveugle d'un autre monde, il m'a montré le grand oeuvre: Un gigantesque harpon tout en ramifications quadruples répétées quatre fois, un arbre de fers en pointe, un sceptre divin forgé dans la même tige ornée de sublimes ciselages et cachant à l'autre pointe une dague propre à abattre un dragon. Il me montre aussi deux de ses lances sculptées dans l'acier, le cuivre et le bronze. Deux herses célestes où s'emboîtent on ne sait comment une multitude d'anneaux et sections gravées, évidées pour dépasser les deux mètres de long. Baba une grande chaleur qui vous salue et sait!
Aujourd'hui il n'a plus besoin de travailler...
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Ensuite vient le grand frère Nogotou, un sorcier à la force tranquille qui prend littéralement le feu en main. Il forge des dabas, des haches qui sont de véritables oeuvres d'art. Ces haches sont faites avec des lames de suspension qui sont arrivées là on ne sait comment puisqu'il n'y pas de route. La lame d'acier est coupée au burin à chaud. Le marteau pour l'occasion n'est pas ordinaire: il est tout en métal et a la forme d'un grand P plein qui peut peser ses 3,5 kg. Sur la base de la hache, il forge une garde, un grand tour de force! Pour finir, il poinçonne son travail avec des motifs magiques qui restent comme une signature incantatoire !!!
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Son frère Tonka, une force de la nature, travaille dans la masse, le soc de charrue avec des plaques de 100mm de large et 10 mm d'épaisseur. Plus personne ne fait ça sans pilon, mais lui y passera une demi journée et il en sort une lame parfaite pour la charrue classique à huit boeufs. Le matin il m'a montré avec beaucoup de patience comment faire un bon burin et le tremper. Tonka est très fier parce qu'à la saison des pluies où tout s'inonde, il travaille aux champs; ça lui permet de se défouler.
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Trois gamins d'environ dix ans n'ont pas arrêté de la journée, actifs donc et bien lumineux aussi. Ils peuvent faire office de pilon à trois quand chacun tape peut-être plus fort à la masse que moi. Mais là où je leur fais la révérence, c'est qu'ils vont faire en une demi journée un festival de couteaux. De longues dagues sorties de fers plats de 40 par 12 aux lames gravées avec un manche en bois orné au feu!
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Il y a aussi le cousin qui confectionne des couteaux en forme de lance embauchés sur un manche en bois. La pièce métallique comprend tous les tours technique de forges.
Et pour faire le tour de la famille, un petit séraphin qui se traine les roubignolles au milieu du charbon, sacré mascotte.
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C'était un mardi, le jour de mars, le jour du fer, le jour où j'ai visité ma première mosquée en terre envahie de chauve-souris, le jour où j'ai vu des serpents volants formés par des nuées d'oiseaux regroupés dans le ciel qui vous disent que vous êtes très proche du divin...
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Des signes, des écritures éternelles avec l'air et le feu!
Merci!
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jeudi 25 février 2010

La forge en famille

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Sous la paillote de Koorka Traore, à Diafarabe, au Mali, on travaille en famille. Aujourd'hui, c'est le jour du marché (quel spectacle dans la bourrasque) et on se dédie à la confection des clous. Le père, déjà âgé, ventile avec une petite manivelle avec science et patience. Ses trois fils sont à l'ouvrage. Le plus jeune, de 9 ans environ, va couper au burin les plaques en triangle. Son aîné, 11 ans, avec une énergie presque rageuse, sort la petite plaquette du foyer et la rabat sur elle-même au marteau. Le grand frère, 13 ans, termine la pointe. Leur enclume comme la plupart dans la région, est en forme de pavé juché sur un gros clou. Un travail à la chaîne franchement rébarbatif parce trop répétitif.
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On ne peut s'empêcher de penser au problème du travail des enfants. Ici nous sommes dans le cadre d'une petite entreprise familiale et la forge est, à mon sens, un travail noble. Le père déjà vieux ne pourrait soutenir la besogne tout seul. Cependant ces enfants ne vont peut-être pas à l'école. C'est dommage. Et pourtant ces gosses sont vraiment très jeunes, même s'ils sont largement à la hauteur. Ils n'ont peut-être même pas choisi de travailler ici. C'est un problème très délicat car si un père n'impose pas la continuité du métier, l'art se perd. Ainsi disparaissent peu à peu tous ces métiers artisanaux. Ambigu donc, mais je crois que pour ce genre d'activité, le jeu en vaut la chandelle. C'est peut-être même presque une chance d'avoir cette descendance. Il y a quelque chose de très beau quand un père peut directement transmettre son savoir à ses fils. On est en plein système archaïque. On est loin du contexte des gamins qui charbonnent dans les mines ou en Chine pour une mega-firme qui leur sont totalement étrangères...A voir je vous invite aux commentaires...
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mercredi 24 février 2010

le sourire du forgeron

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A Ke Macina vient de s'installer Deye Noumouke. C'est vraiment le forgeron le plus souriant que l'on puisse rencontrer et c'est pas peu dire, tous sont généralement très joyeux, le moral au beau fixe comme partout en Afrique. Il est là sur sa peau de bique, assis, et vas-y que je te cogne à une main sur mon enclume-clou avec une masse de 5 kg. Bon il est costaud le gamin, mais il sourit tellement!
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Revenons à la bonne humeur. Deye est jeune et très bon forgeron. Il vient de Dja, un petit village au nord, dans la savane. Sa paillote n'est pas encore trop connue des locaux, mais déjà il travaille un peu. La forge a été construite à même la terre: non seulement le feu repose dans une petite tranchée mais aussi le ventilateur est littéralement enterré dans la terre séchée. Cela tiendra le coup au moins jusqu'à la période des pluies. Ce ventilateur est actionné par une roue de bicyclette et sa pédale avec une courroie en chambre à air torsadée! J'ai eu le temps d'observer l'artifice puisque j'ai passé la journée entière à "faire du feu avec une bicyclette à la main", passez moi l'expression.

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A lui tout seul Deye s'attaque à des lames de suspension en acier dur dur pour faire des couteaux, des haches, des pelles, des socs de charrues bref tout ce que vous voulez pour aller aux champs. J'ai bien aimé sa bouterolle, qui permet de chanfreiner des plaques de 1cm d'épaisseur. Je lui ai fait faire une hache-pelle avec le manche pour l'offrir à mon hôte de Ke Macina. En un rien de temps.

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Ah oui: Ils sont venus organiser un concours des artisans dans son village. Il a refusé d'y participer. Ils l'ont menacé d'une amende de 5 euros, le prix de trois haches. Il a finalement fait une pièce, un masque. Ils lui ont décerné le prix du concours. J'aime bien, ça me rappelle quelqu'un!

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lundi 15 février 2010

C'est en forgeant qu'on devient forgeron ?

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Pas toujours ! 
Ici en Afrique de l'ouest la société est articulée autour d'un système de caste.




Ainsi peut-on naître forgeron sans avoir jamais touché un marteau. Le feu est en vous! L'appartenance à cette classe vous donne un grand nombre de privilèges puisque les forgerons sont très respectés. C'est une sorte de noblesse. Vous pouvez vous reconvertir dans de nombreux autres secteurs pourvu que ceux-ci soient également dignes de respect. On donne pour exemple: chasseur, guérisseur, féticheur, masseur, chanteur etc. Les personnes dont les parents sont forgerons ne pourront pas se marier avec un élu d'une autre classe, c'est un système endogame. Cette aristocratie transcende les frontières puisqu'elle règle la vie de nombreuses ethnies de l'Afrique de l'ouest.

Beaucoup de forgerons sont restés à la forge. Ils gardent les techniques ancestrales et se les transmettent de père en fils. Ils connaissent la science et l'adjuration des génies du feu, du vent, de l'or, des mauvais esprits. Leurs dons les conduisent à l'intersection des deux mondes, des vivants et des morts. Ils entrecroisent les univers de la lumière et de l'obscurité, du visible et de l'invisible.

Le forgeron c'est le lien entre le matériel et l'immatériel...
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dimanche 14 février 2010

Soleil du soir

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Exactement la couleur du fer jaune orangé qui sort de la forge prêt à être tapé.


Le soleil se couche.


Un grand disque ardent à une paume au dessus de l'horizon.
Il ne passera pas par le marteau, il est parfait, suprême, impossible et inutile de le déformer.

On va juste le regarder se refroidir...


Sans rancune, même s'il nous écrase toute la journée sur l'enclume implacable des grandes plaines du Mali.
Laissons-nous tremper par la nuit.

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mardi 9 février 2010

Le démon forgeron

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Il a pris mon regard et juste avec les paroles, il m'a forgé. Un regard noir d'une profondeur insondable. L'ai-je soutenu grâce au fer qui est en moi ou suis-je resté collé dans ses yeux sans avoir d'autre choix. Blindé ou hypnotisé?



Voici quelques jours, au beau milieu d'une rue anodine à Ségou, j'ai fait cette rencontre surnaturelle. Comme un chasseur d'âmes déambulant. Cet homme d'âge moyen m'a interpellé dans sa langue mais violemment et revenait le mot "Bamako". Un regard noir perçant qui essaye de me sonder. Un avertissement, une poésie, une devise des maliens errants? Une folie me dit une femme du voisinage. Après cette altercation je suis resté plombé jusqu'aujourd'hui. Il y a certaines personnes qu'on ne doit pas regarder pas dans les yeux. Pourtant j'en suis à mon troisième en trois mois. On parle souvent ici de forgerons féticheurs, mais ils ne sont normalement point nomades!



Il vagabonde en haillons de coton noircis, comme en tuniques brûlées, éclatées. C'est cette allure carbonisée et l'attirail métallique qu'il porte qui lui donne cette identité forgeron. Il porte un carcan avec un tube évasé, comme une courte sarbacane, et une longue aiguille effilée. Il ne s'en sert pas mais il vocifère comme Lucifer. J'ai rencontré un démon forgeron en plein jour!

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lundi 8 février 2010

forgeron pêcheur

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Ça y est j'ai trouvé mon forgeron au bord du Niger. Il forge tous les ustensibles possibles inimaginables du piroguier. Des harpons a triple crochet. Des pointes. Des clous pour assembler les bois sur la pirogue. Des hameçons. Des crochets. Des manilles. Beaucoup d'autres choses. Les clous, c'est le peuple pêcheur "bozo" qui en a besoin, qui fabrique des pirogues en tek impressionantes qui atteignent parfois 30 mètres de long.

Il est silencieux. Même son marteau ne résonne pas. Nous avons là un amoureux des pointes. Il les soigne avec passion. Il les étire à l'infini avec une attention minutieuse. Quart de tour, quart de tour, quart de tour...à une vitesse prodigieuse. Le marteau ne tapera jamais deux fois au même endroit. Ce marteau est taillé comme une hermine mais sans tranche...

On travaille sous la paillote avec récupération de tôles qui seront transformées en clous avec la technique accordéon. La forge est douce, un petit foyer qui ronronne en silence. Ventilé par une dynamo branchée sur batterie qui actionne un cylindre discret; Quand la batterie se recharge, quand on la remet sur la voiture, on passe à la roue de bicyclette. L'enclume c'est un clou: enfin un gros gros clou, comme un pavé, carré en bonne et due forme, sur un pieu d'un seul bloc. Et jusqu'où va ce clou dans le sol, nous ne le savons pas. On va dire au moins jusqu'au centre de la terre. Parce qu'après il y a une frontière, celle qui vous dissout. D'ailleurs vous avez déjà pensé au problème des frontières souterraines ?

Plutôt jeune, père de famille quand même, il forge les yeux fermés. Enfin c'est une expression. Il est là avec son collègue sous la paillote, petite musique Afrique qui détend l'atmosphère. (Son fils de deux ans et demi aime bien s'essayer au marteau sur l'enclume comme papa! ça promet). Vous pouvez rester des heures à les regarder le cul à côté de la brebis. Et puis vous vous envolez avec le regard au loin sur le vaste Niger d'acier au soir couchant là tout près...au Mali comme dans un rêve. Dans ce monde où les forgerons-féticheurs sont les gardiens conciliants avec les esprits.
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dimanche 7 février 2010

le temps du forgeron

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Ah le temps en Afrique!

Pourquoi ? Vous êtes pressé ? Chaque chose vient en son temps mais toujours ponctuellement.
Seulement voilà il y a ici un art de dissoudre le temps qui rend la vie magnifique! Ici le temps vous appartient alors qu'en occident vous êtes l'esclave du temps. Cela fait maintenant trois mois que je vis sans montre et je sens en moi comme un rythme biologique qui s'installe pour toute l'organisation de la journée. Je crois que l'on retrouve ici comme un rythme des gens qui vivent à la campagne. Un accord avec les jours et les saisons. Une philosophie de vie qui rejoint l'adage: "chi va piano, va lontano ma sano!"

Cette approche vous donne beaucoup de sérénité. Dans le travail vous aurez plus de facilité à soigner la finition. Dans vos relations sociales, vous serez plus à l'écoute, plus disponible. Au final la plupart des gens est capable d'être productif parce qu'immergé constamment dans le travail. Ce qui a disparu, c'est le stress. Même si les téléphones portables sont omniprésents ce n'est pas une raison pour savoir l'heure.

Enfin il y a dans la vie africaine une grande force de religion qui scande votre journée. Depuis l'appel à la prière le matin à 5 ou 6 heures jusqu'au soir. De plus l'islam inscrit le futur comme une destinée, la volonté de Dieu contre laquelle on ne peut rien. Pour eux, il y a toujours une grande réserve sur les projets de demain. Inch'Allah!

Et le forgeron qui rythme sa vie au son des coups de marteaux sur l'enclume, il choisit ses secondes, il accélère, il ralentit. Une seule chose: A chaque coup de marteau il se rapproche. Distorsion élastique...

samedi 6 février 2010

le forgeron bijoutier

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Un grand changement. Ici au Mali le forgeron est avant tout un bijoutier. On sent clairement l'influence des touaregs du nord désertique du pays. Mais forgeron parce qu'il travaille au marteau sur l'enclume avec une forge! C'est le métal qui change!

Dans l'atelier de M. Coulibaly à Segou, on travaille l'argent blanc. Confection de bijoux tels que des bracelets, gourmettes, bagues, boucles d'oreille. En tout et pour tout un petite enclume, une forge installée dans un bac ou l'on concentre le foyer avec de la terre réfractaire. On chauffe le métal au charbon de bois puisque la température nécessaire n'est pas aussi haute que pour le fer. Depuis une frappe assez franche pour forger un petit lingot en bracelet plat, on passe à un travail plus délicat avec des burins minuscules. On finit la forme arrondie avec un bout de branche.

Ce qui est remarquable c'est que l'artisan procède lui-même à la fusion de son métal. Il prend un creuset ou il mélange les différentes parties de l'alliage (laiton et argent?). Il place ce creuset dans la forge et quand il devient rouge il y agrège de la poussière de charbon. Le moule où sera coulé le lingot a été préparé avec de la cire. Il doit se souvenir que le partie inferieure de la coulée sera plus brillante.

J'ai passé toute la matinée à suivre la réalisation de pendentifs. Le martelage qui suit les mêmes lois que le fer forgé, on étire .... La grande différence tient au fait que l'on ne travaille pas à chaud. La pièce est recuite (c'est à dire mise au feu pour qu'elle récupère son harmonie moléculaire) seulement deux ou trois fois. Au sortir du feu sa couleur grise est la même que l'acier, c'est curieux. En revanche, le métal deviendra blanc après un actif savonnage que l'on fait en tout dernier.

Enfin, et c'est le point le plus important de cet article, cet artisan de Segou m'a confié un des secrets du métier. Après la finition de la pièce, on la trempe dans l'acide chlorhydrique pour la blanchir. Immédiatement après on la rince avec un décoction de pétales de dakumu, qui a la vertu exceptionnelle de rendre l'acide passif. Voici le secret que tant d'artisans recherchent en occident. Inutile de dire que je vais tenter d'en rapporter pour l'essayer sur le fer...
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vendredi 5 février 2010

outils de taille

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A Bamako, village artisanal:
Les sculpteurs sur bois. Collection de masques à vous couper le souffle!
Un rassemblement permanent étonnant d'artisans qui travaillent le bois d'ébène.
Je veux en parler parce que ce bois est tellement dur et noir qu'on a l'impression de voir des artisans à la forge!

C'est le bois très dur mais vraiment exceptionnel pour réaliser des sculptures. Les troncs sont blancs sur l'extérieur et noirs au coeur. Très dur donc, ce qui demande une qualité d'instrument excellente en plus d'une technique éblouissante. Notons au passage, que la pièce que l'on travaille est calée sur un tronc traversé d'une bite en fer. Le maillet est directement extrait de l'ébène. Padie, mon ami y travaille depuis l'âge de 12 ans et en a aujourd'hui 28. Il domine son art et vous taille dans l'ébène une gazelle emblématique du Mali en moins de deux!

La grande majorité des instruments sont en fer forgé! Les plus étonnants sont les "kuri" qui sont comme des pointes de lances incurvées. Ils sont utilisés comme racloirs ce qui permet de lisser les aspérités d'une première taille dégrossissante. Comme l'instrument finit en pointe, il est possible de corriger la pièce jusque dans les moindres recoins.

On voit aussi les herminettes de toujours mais qui sont ici à Bamako fixées en tête de manche avec un couvercle poinçonné, comme un chapeau qui recouvre la lame. Il va vraiment falloir que je me colle à la fabrication de ces instruments à mon retour. Ces herminettes sont forgées depuis un fer plat que l'on forge en "v" sur sa longueur et aussi en "v" sur l'épaisseur. C'est tout de même avec cet instrument que l'on évide des troncs entiers pour faire des pirogues. La hache magique. Parfois la lame tombe si près du pouce ou du pied !

herminette


Anecdote: Quand je demande où sont les forgerons du fer on ne sait pas! Pour ces sculpteurs sur bois c'est un autre monde que l'on ne connait pas. Fer et bois
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lundi 1 février 2010

quatorze disques lunaires

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C'est ici à Bamako qu'il fallait être pour voir surgir une pleine lune massive. Monumental oeil du ciel. Une lune qui mange toute l'obscurité. Elle jaillit au dessus du Niger et irradie le fleuve. C'est une vision que je ne veux jamais oublier: J'y vois par un reflet magique toute la cosmogonie dogon!

Un reflet magique sur les ondulations de l'eau transforme cette boule d'argent en quatorze disques successifs, comme superposés. Ces plateaux lumineux tournoient sur eux-mêmes dans le sens inverse du temps. En cet instant je vois la vérité, l'univers entier. Chez les dogons, l'univers est constitué de quatorze mondes en forme de disques empilés sur un axe central en fer. Il existe tout autant d'Amma ou créateurs de monde sachant que le monde le plus bas est le plus puissant. Notre monde est le septième en partant du bas. Chaque monde possède au centre la terre entourée d'une mer salée cernée par le serpent qui se mange la queue! Tiens tiens.

Et puis je comprends : l'inséparable jeu de l'eau et du feu. L'eau qui jaillit des sous-sols, des mondes sublunaires surpuissants. A l'inverse de la pluie c'est un déluge qui inonde le ciel. Une alchimie gravitationnelle. L'eau qui tombe du sol.

C'était ce Samedi 30 janvier 2010, à Bamako brille une vérité. Cette image me vint du même azimut que le pays dogon, à l'est de Bamako.