lundi 30 novembre 2009

La Grande Fête Musulmane

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SAjouter une imageamedi 28 Octobre, C'est la grande fête religieuse de l'année. Aid-el-Kbir, la grande fête du mouton, mais ce serait beaucoup dire que les moutons ont fait la fête! Ils ont tous finis égorgés, décapités leurs cornes coupées à la hache, leur tête et leurs pieds brûlés puis soigneusement raclés, leur sang dégoulinant en petits ruisseaux dans les ruelles en pente du souk et leur peaux retournées, entassées, prêtes pour le marché. Ca ne sent pas la tripe, ça hume, ça fume le brûlé, le poil cramé. Les couleurs rouges et noires et des yeux sans corps qui ont fini de bêler. Les silence des agneaux ? Ici, on perrenise le rituel, il n'y a rien d'extraordinaire. Le traditionnel sourire n'est plus là, mais la tranquilité active que l'on trouve au Maroc. Après ce grand moment sacrificiel où se mélangeaient le charbon, le sang, la boue est venue une pluie violente cinglante comme envoyée pour laver la terre; la pluie ici, on la remerçie...Allah Agbar!

Pendant toute la semaine auparavant, j'ai donc pu voir tous ces ateliers de métal en pleine frénésie. Toute une activité pour préparer les haches, couteaux, piques, racloirs et brasiers. Cette collection d'outils qui vient s'insérer entre l'homme et l'animal pour réaliser le geste sacré. Les meules à affuter en pierre ne cessaient de tourner, tout un pays mobilisé à la préparation de cette grande fête religieuse. Toutes les familles ou presque sont là mais pourtant on garde une impression de vide peut être parce que tout est fermé. Quand le négoce s'arrête au Maroc tout semble étrange, inquiétant presque. Cette semaine tout est calme et fermé ce sera plus difficile de trouver des artisans en activité!

Dans la campagne, avec une famille ce serait une expérience vraiment forte; ne pas être un simple spectateur d'un massacre massif et un poil désincarné, que l'on voit en ville. Cet urbain qui présente toutes ses discordances avec la vie de société : mêmes les actes les plus fondamentaux perpétués sont victimes de l'individualisation. Le sacrifice est fait en famille bien sûr, non en communauté et pourtant ce devrait être une immense fête de réconciliation, mais non.

Une très forte impression sur les sens que cette célébration, comme une descente dans les souks où tout est couleurs, odeurs/parfums, rumeurs, saveurs et contacts. C'était comme un autre théatre sensoriel de l'Afrique et toute sa force! Des sacrifices, j'en fais beaucoup ces jours-ci sur ma petite vie tranquille et autres habitudes dilletantes! Renoncement qui forge et renforce.

lundi 23 novembre 2009

Le Passage à Meknes

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A Meknes, dite "ville de passage", j'ai bien failli continuer mon chemin et perdre un beau foyer!
Les premiers ateliers rencontrés ne se différenciaient pas beaucoup des nôtres. Il fallait persister; Dans ce quartier Bab Djedid, une rue entière de ferronniers.

Les ateliers sont tous là regroupés au même endroit depuis plusieurs générations. Le lieu est chargé. A l'entrée plusieurs artisans fabriquent des "braseros" pour cuire les brochettes lors de la fête du mouton idKBir. En avançant, on trouve les palissades typiques du Maroc d'un assez bon style. Vers le milieu de la rue, une très belle forge en briques réfractaires avec un artisan plutôt jeune. Il travaille tout seul sur des barres de 20 par 20 avec un marteau de 3 kg, sans forcer. Encore une fois les gestes sont précis, économes et justes. Il reproduit le même dessin au jugé. Une espèce de vitrine force l'admiration: une énorme serrure très travaillée avec sa clef d'un demi-mètre et ses ferrures. Destinés à un palace royal, on peut imaginer que la porte va faire 5 mètres de haut environ. on peut aussi voir un travail de martelage au burin sur des petites plaques en acier. C'est un façonnage délicat de feuilles ciselées. Un vrai travail à la main. A plusieurs endroits on voit des meules anciennes: De grosses roues en pierre ou argile. Tout en contraste avec les disqueuses hurlantes qui tournent tout alentour.
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jeudi 19 novembre 2009

La forge à Fez

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Fez est pleine d'activité artisanale. Le roi veut en faire une vitrine en inaugurant un centre des arts et métiers de l'artisanat. Cependant, cette ville mystérieuse ne se livre pas si facilement. Pour le travail du métal, elle contient tous les styles d'atelier : du plus rudimentaire jusqu'à la forge traditionnelle.

Commençons par une visite du souk au quartier bien populaire de Ben Slimane. Dans ce quartier il n’y a pas de place pour le forgeron. De nombreux ferrailleurs font le même business toujours comme en Espagne : récupération et vente à plus ou moins 10 ct le kg. Dans le même coin, les ateliers travaillent uniquement sur le recyclage avec un gros niveau de "débrouille". On trouve toujours des remplacements et la qualité du travail demandé n’a pas besoin du feu qui serait déjà une technique trop chère ? On est dans le rafistolage permanent avec aussi des boutiques qui ne font que souder !

Dans la vieille ville il reste peu d’ateliers traditionnels. Deux d’entre eux s’occupent des grilles en rosaces traditionnelles marocaines où tout est fait à la main avec la forge et des coups de marteaux très précis. Le maître a toujours une très forte personnalité, le contremaître est toujours un grand frappeur, comprenons un grand artisan qui a un minimum de 20 ans de métier. L’un d’eux est presque toujours au sol pour travailler, comme l’enclume qui repose à terre. Le métal est souvent recyclé et là on voit le travail de redressement, qui est la base du métier et occupe une bonne partie de la journée. Le travail est précis mais souvent fait au jugé comme le tranchage à chaud d’œillets sur une tige ! Toujours un minimum de coups de marteaux. Autrefois on formait des profils sur un fer plat, comme un moule qui renforce. Au Maroc on continue de faire de cette manière !

Juste au dessus de la ville moyenne, se trouve un forgeron ; il travaille dans un atelier assez réduit en taille, sur le trottoir et avec le sourire. Ce chef a eu un grand maître, qui aurait décoré la chambre du roi, et il lui a repris l’atelier. Un lit en fer forgé vient juste d’être fini et le travail est d’une grande précision avec un dessin classique d’une belle simplicité. J’ai aussi vu la réalisation d’une petite feuille ciselée au stylet sur le dessin collé sur une plaquette en acier (on voit le plus souvent ce travail sur cuivre, car beaucoup plus facile). Et la forge ? Pas de forge , ici on travaille au chalumeau. Un ami de l’atelier dit que ce travail du fer n’est pas assez valorisé soit par manque de budget, soit par manque d’intérêt. Cet atelier mélange l’acier avec le cuivre ou avec le bois selon les circonstances…tout est possible au Maroc.

Ce qui marque beaucoup à Fez c’est la rapidité à laquelle ils travaillent et c’est peut être ça qui fait une sélection. C’est la même chose dans tous les métiers du métal. Un artisan qui confectionne des plateaux en laiton met 10 mn. pour terminer la pièce, après 40 ans de métier ! C’est aussi la diversité. Sur une place de la médina il n’y a que des chaudronniers qui sortent des auges énormes faites à la main, au marteau en bois, au brasier, au pied, au tas en tronc creux ou sur enclume en forme d’ancre ! Une forge ancestrale, un sacré métier !
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Pourquoi aller en Afrique?

FEU

Qui est le forgeron ? C'est celui qui danse avec une tortue sur la tête ?

C'est celui qui donne par le feu. Il transforme. Il aide à transformer. Il choisit une autre vie, un autre cycle. Il réalise des passages. Il purifie par le feu. Il brûle le faux et faire vivre le vrai. Il se trouve entre la guerre et la paix. En flammes froides il chasse le veau lunaire et reçoit le dragon à l'oeil de feu !

L'Afrique, un des premiers endroits ou l'humanité travaille le fer, a gardé ses techniques traditionnelles. Elle reste maîtresse des grands secrets du "fer qui chante". Qui va transmettre cette forge traditionnelle en Afrique ?

Qui est le forgeron?
Où va La forge ?
Qu'en dit la société ?

Cette action n'est pas une entreprise archéologique. Elle se veut vivante, échange, enseignement... Elle doit se distancier d'une recherche timide sur le fer et les forgerons où ceux-ci sont appréhendés comme des vestiges, des traces d'un passé lointain, éteint. On ira à la recherche du feu, de la flamme emprisonnée dans ces métaux transformés.


Une recherche personnelle...comme un apprentissage... un parcours initiatique !

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