vendredi 29 janvier 2010

marteau

*
Fasciné par ces hommes en pleine fièvre du travail du métal, je ne me suis pas assez arrêté sur le marteau. Cette masse en métal toujours en mouvement. Du nord du maroc jusqu'en Afrique de l'ouest l'instrument aura beaucoup changé. La prolongation de la main, du bras, de l'homme. Le marteau c'est un langage, un moyen de communiquer avec le métal.

Au Maroc le marteau c'est comme à la maison. Parfois on voit du rafistolage. La tête est soudée au manche en tube. A Fez, dans la medina, le marteau n'a qu'un seul côté !!! Mais il y a aussi les chaudronniers qui travaillent le cuivre et repousse leur plaques avec un gros maillet en bois. Et oui le fer et le cuivre ne font pas toujours bon ménage.

Pour ceux qui taillent le bois, la frappe se fait avec le maillet taillé dans un bois dur. A bamako les artisans travaillent avec de superbes maillets en ébène.

*

jeudi 28 janvier 2010

roche rouge

*
Dans le désert la météorite est descendue. En chemin, le maître des grands âges l'a relevée. En mémoire des coquillages, il l'a forgée avec le seul feu que cette pépite avait secrètement gardé. C'est ainsi qu'est venu le bâton du tonnerre qui mène la pluie!

Quand vous entrez en Afrique, vous foulez un sol rougissant. Ce n'est pas seulement le reflet du soleil. Vos pas frôlent un mystère, un rouge feu, rouge comme le sang! Et puis ce sol devient poussière et toujours plus au sud c'est l'air qui devient rouge...

Alors je pose la question que je me suis toujours posée: Une roche rouge? Cela veut-il dire que ces minéraux contiennent du fer? Et oui, si le sol est rouge c'est qu'il s'oxyde et s'il s'oxyde c'est qu'il est ferrique. Ou non?

Une quantité incroyable de blocs rocheux parsemés comme d'innombrables météorites ferriques. Elles ressemblent à des éponges minérales pleines de petits cratères. On dirait qu'il n'ont pas beaucoup bougé depuis qu'ils sont tombés du ciel. En observation.
*

site rouille

*
Variations sur la carcasse. Ici je ne veux pas parler de la vache morte écrasée ou du rat archi-repassé au pneu. Non je veux parler d'une extraordinaire collection de carrioles défoncées. Tant de véhicules cabossés. Patchworks de tôles en tout genres. Des vas-y que je te soude et que je te ressoude et surssoude toutes les parties de la carrosserie. Par exemple l'aile arrachée à un autre cadavre archi super irrécupérable. Parce tout y passe, tout est broyé. Si le forgeron est le maître qui donne la forme au métal alors les carrossiers ont leur place dans le monde des artistes. Création de pièces uniques avec patine rouille ultra-rapide assurée. Des véhicules légendaires qui roulent, oui qui roulent dans un grand ballottement sur les pistes difficiles et qui tiennent le coup.

Combien y a t-il de voitures sur une voiture? Le continent du rafistolage métallique. Je finirais bien par voir une auto 100% soudure tout en cordons. Avec une telle déformation, on penserait voir le résultat d'un long défoulement au marteau ou à la masse. Et ça ne concerne pas que les voitures, il y a aussi toute la grande famille de la ferraille (toitures, machines, trains etc...). Au Sénégal on peut voir pas mal de trains déraillés sur cette mythique ligne Dakar Bamako. Les cadavres restent là gisant au milieu des gares d'une autre époque.

Autant de sculptures. Violente cette fracasserie de métal devient belle. Elle reste là isolée dans la nature qui prend le dessus. Et là il y a comme un des secrets de l'Afrique: Au milieu du désordre et du chaos, l'africain reste beau et noble parce qu'il possède encore la dignité de la nature.
*

mercredi 20 janvier 2010

renaissance africaine

*


Un forgeron en métal de 50 mètres de haut à Dakar




"Renaissance Africaine" c'est le titre du nouveau monument de Dakar. La statue qui toise la capitale de ses 150 mètres de haut, représente la famille élémentaire tournée vers l'ouest (l'homme, sa femme, l'enfant) dans un élan héroïque qui surgit de cet ancien volcan. Lui pourrait être forgeron, l'ode à la force physique, mais plutôt sovkhozien. Cette nouveauté est le sujet de grandes controverses.


*

Le style est franchement inspiré de l'art dit "totalitaire", on pense à ces monuments russes ou maoïstes qui font l'éloge du travailleur héroïque. D'accord mais où est passé la culture africaine et sa symbiose avec la nature, ses formes expressives souples mais incarnées d'une force cosmique et religieuse. Cette statue est-elle un lapsus ? Un révélateur psychanalytique de la pensée politique africaine qui souffle l'Afrique d'aujourd'hui ? Hubris quand tu nous tiens...


*


Pour couronner la faute goût, il y a une légère maladresse politique. L'artiste et propriétaire de l'oeuvre, le président de la république, M. Wade a choisi de confier ce chantier de 15 millions $ aux coréens !!! C'est dommage pour l'emploi sénégalais. Enfin "l'artiste" recueillera 30% des recettes du tourisme pour les distribuer aux enfants, mais à titre personnel. Pourquoi ne pas faire confiance à une association puisqu'on a fait confiance aux fonds publics pour tout construire ?


*

Ainsi brille le Sénégal mais pas vraiment dans une version panafricaine.




lundi 18 janvier 2010

Un foyer au sol

=

Le feu c'est facile, il faut juste un peu de charbon et puis souffler! Ainsi la température monte plus haut aux alentours de 1000 C°et vous pouvez forger.

La plupart des foyers de forge en Afrique sont simples. Pour faire une forge vous pouvez vous mettre au sol sur du sable. Si vous avez des briques réfractaires comme base c'est mieux. Aujourd'hui encore je parle avec un bijoutier qui s'est confectionné un modèle tip top: Une roue de voiture avec un moulin manuel directement soudé sur le côté !

L'alimentation en air ou la ventilation c'est un soufflet qu'on actionne avec une roue de bicyclette ou une turbine faite maison qui tourne à la main ou avec un moteur. Au fur et à mesure que l'on descend au sud, il est de plus en plus rare de voir des souffleries électriques.

Les forges les plus efficaces sont celles ou l'on cale le charbon contre une paroi réfractaire dans laquelle débouche le flux du soufflet. Reste que le plus important c'est la connaissance du feu. Comment placer votre ouvrage dans le charbon, combien de temps vous le laissez... C'est là que l'on entre dans le secret: L'oeil.

Dans l'autre monde, vous aurez le temps d'attendre que le métal rougisse à la vue du soleil dont, avec un peu chance, vous serez si près! Si proche! Si prêt....
=

mercredi 13 janvier 2010

fer et cacahuète

*
A Kelle*, en pleine brousse sénégalaise, on touche à la réalité agricole africaine en 2010. En trois jours avec l'association italo-sénégalaise Sunugal**, on peut enfin dire quelques mots sur le rôle du fer dans la vie agricole. Insignifiant. Les ressources principales c'est l'homme et l'eau. Le fer c'est annexe. Des outils pour travailler la terre vous en aurez toujours. Ce ne sera jamais l'obstacle à l'exploitation de la terre. Surtout sur le continent de la débrouille. Ce qui manque peut être c'est une dynamique. Comme l'élan donné par Moude émigré en Italie qui a donné l'impulsion avec Sunugal.

Voyons quand même: il y a bien un forgeron qui s'occupe des charrettes et des chevaux, le moyen de transport de base dans la brousse sur les pistes sablonneuses. Et même sans artisan expérimenté, il y aura toujours un métallier qui vous fera tout ce dont vous avez besoin. Donc le forgeron magique griot marabout est ici un mythe. A moins qu'un homme seul en décide...

A la ville la plus proche, à Ngaie, un grand atelier s'est spécialisé dans la construction de machines agricoles sur mesure: moulins (arachide, à café, à poivre), presses, cylindres pour griller les arachides etc. Toutes ces machines sont assistées par moteur! Mamadou c'est un petit génie metallo. C'est le genre d'atelier qui vous fait une éolienne sur mesure pour alimenter la pompe du forage. C'est là que le travail du métal est important ! Les agriculteurs sont ainsi motivés pour faire de grosses récoltes.

*entre Louga et Thies
**Sunugal www.sunugal.it s'occupe de la valorisation de villages sénégalais avec l'agriculture bio. A Beude Dyeng on cultive un sol sablonneux enrichi au fumier et la culture maraîchère y est en plein essor.
*

échange forge au lycée technique ???

*
La forge est transmission -
Comment se fait la transmission du savoir en Afrique ? Jusqu'ici on a vu trois possibilités: on se démerde, comme toujours, et on ouvre l'atelier : on verra bien ; ou bien on va à l'école technique, sinon on apprend avec son père... mais les règles héréditaires de la profession déjà se désagrègent en Afrique. On veut aller à la ville...
A Saint Louis au Sénégal; la formation des jeunes au travail du métal se fait au lycée technique A. Peytavin. J'ai donc rencontré le chef des travaux M. Wade. Il serait possible d'organiser un échange entre les élèves du lycée et des forgerons venant d'Europe (Espagne et France). L'accueil à projet a été très enthousiaste. L'objectif serait de mélanger les savoir-faires pour donner aux élèves une expérience pratique. Réalisation d'outils de forge avant tout; fabrication et réparation des outils agricoles; pratique de la trempe... Les élèves ont déjà une connaissance théorique mais il leur manque une application directe...L'atelier dispose de 4 forges assez larges; de 3 enclumes et de très nombreux établis avec étau. L'année scolaire débute en octobre et se termine en juillet. Il conviendrait d'insérer ces sessions en milieu d'année. Je pense aller plus avant dans ce projet avec l'aide de l'association "AFOC (associacio de forjadors de catalunya) o Taller de Forja / http://www.tallerdeforja.net/". Lors de notre entretien nous n'avons pas parlé de financement..
Affaire à suivre...
*

mercredi 6 janvier 2010

métal au sénégal

*
Ma toute première rencontre au Sénégal s'appelle Clément. Ce serait comme rencontrer une météorite au magnétisme incompréhensible. Un homme à l'esprit hirsute et à l'allure robot mécanique. L'homme en métal extra-terrestre... Cet homme est à la mesure de la claque culturelle que je me prends en arrivant en Afrique noire. Déboussolant.

Bienvenue au Sénégal avec Azziz, ferronnier qui travaille sur la route nationale à la sortie de Rosso. Grande ville mais peu de clients. Quelques clients qui ne payent pas. Travaux de soudure et de redressement. L'enclume : une culasse de moteur de camion. Dans ce contexte il n'y a aucun respect pour le métier et son ouvrier. Sa place dans la société est banale voire marginale.



A Saint-Louis rencontre avec un collègue entrepreneur de 45 ans qui marque les étapes. Il commence à souder dans une case au quartier des pêcheurs, puis fait une formation de forgeron au lycée technique André Peytavin. Il réunit les appuis nécessaires pour construire un atelier en parpaings. Obtient de grands chantiers de charpenterie lourde genre entrepôt. Désormais en activité constante et prêt à affronter n'importe quel genre de commande. Il vient d'ouvrir une quincaillerie. Et en plus il est trop sympa, mais ça, ce n'est pas ce qui le différencie des autres sénégalais. Bref Saint louis c'est tranquille mais il travaille continuellement.

Plus récemment j'ai rencontré le grand maître forgeron de la ville. Un homme très respecté. Pap Seik. Tout le monde le connaît. Son atelier est juste près du pont au quartier des pêcheurs, le poumon de la ville. Il trône avec une trempe superbe assis devant une grosse dalle de pierre où domine l'enclume. Il ne me regarde presque jamais directement; je n'en suis pas digne. C'est ce même homme qui gère toutes les commandes des pêcheurs et armateurs. A Saint-Louis ça veut dire beaucoup. Il confectionne des haches ou des hermines maousses qui servent aux charpentiers à creuser à même le tronc de tek pour faire les pirogues. Il forge avec ses apprentis toutes sortes d'outils que ce soit pour la pêche mais aussi pour l'agriculture, Il peut vous faire des grilles ou tout autre produit de serrurerie sans aucun problème...Voici donc le deuxième grand homme que je rencontre au cours de ce voyage. Une aura qui me fait penser que c'est pas facile de rentrer vraiment en contact avec ces personnages. Avec le temps...
*

mardi 5 janvier 2010

la forge aux portes du désert

*


Pour faire une forge et organiser le foyer, il faut du bois ou du charbon de coke. Dans le désert il n'y a que du vent! Le grand obstacle c'est aussi l'acheminement de la matière avant et après sa transformation. C'est en fait la proximité du combustible qui facilite la sédentarisation du forgeron. Alors les nomades comment font-ils ? La forge dans le désert relève du tour de force.





Dans ces immensités où il n'y a plus de frontières l'homme vit à même le feu sous le brasier du soleil, c"est son esprit qui est forgé. Il vit dans le strict minimum tel l'ascète. La plus grande activité sera établie sur les côtes de l'atlantique dans les grandes villes de Dakhla, Nouakchott...à la frange des ces grands plateaux lunaires. Plus que jamais on travaille dans l'essentiel avec une exceptionnelle économie de moyens. Dans ces villes foisonnantes, on trouve une multitude de petits artisans. Ces petits ateliers de métalliers ne reculent devant rien. Tout est possible ! Toutefois l'art de la forge n'a pas vraiment lieu d'être. Nous sommes au Sahara et les ressources sont comptées. On fait dans le fonctionnel. En fait tout ce qui peut servir aux pêcheurs, aux négociants et à leur sécurité. Une ancre ? 4 barres de chantier en J soudées entre elles; la peinture métallisée c'est le luxe. A l'extrême du Maroc, l'extrême de la débrouille. J'ai vu un atelier qui a fabriqué ses propres machines à cintrer, plier etc.

Ce qui est aussi étonnant dans ces villes de sable c'est la grosse compétition entre les ferronniers. Face à face tous les artisans se rassemblent dans des rues entières dans la plus grande proximité et une concurrence farouches. Des portes; des grilles, des fenêtres, quelques motifs à la va-vite peut-être. Le paradis de la barre de chantier qui sert à tout n'est-ce pas? Le travail est extrêmement rapide. Travail à l'extérieur, sur le trottoir en sable avec deux pauvres tréteaux complètement défoncés. Plans et niveaux grossiers, on redresse après. Tout tourne comme une production industrielle mais dans un contexte artisanal.

En voyant cette frénésie productive et l'aspect plutôt rude de cette vie du désert, on finit par trouver l'idée de la forge décorative classique bien désuète. Bien superflue. Comme partout l'utile est l'assassin du décoratif. Mais pourtant les saharis sont des peuples très nobles. Cette fierté est investie dans la réalisation de bijoux extrêmement travaillés et donc raffinés. Dans des métaux magnifiques. Tous ces objets de grand style sont ceux qui sortent des micro-forges du désert. Des instruments réalisés dans le silence et le secret des dunes de sable.


*