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Un détour. Un hasard qui, depuis
Azrou, vous mène vers
Ain Leuh puis, en dépassant une magnifique forêt de cèdres centenaires, vers une montagne, le
jbel Bou Iblane. Ce sont les semi-nomades les
Beni M'Guilds qui m'ont
emmené là-bas au coeur du Moyen Atlas.
C'est par un autre hasard, comme par magnétisme, que j'ai entrepris une longue errance à pied. Pour arriver, après un long chemin, à l'entrée d'une espèce de caverne. Oui comme un boyau qui perce le flanc du rocher. Y entrer: De nombreuses galeries interminables qui descendent puis ??? des escaliers qui plongent vertigineusement comme pour vous précipiter dans le vide, dans un
puits.
Puis c'est la découverte de ma vie, quelque chose que je n'oublierai jamais. Une immense salle, une
cathédrale du fond de l'ombre où sont rassemblés des dizaines
d'hommes en prise avec l'art du feu?!? Comme si une guilde souterraine de forgerons était venu s'installer hors du temps - ni jour ni nuit - et loin de la lumière - le combat du feu et de l'obscurité.
Au fond, quoi de plus logique? En un seul endroit sont réunies l'extraction, la fusion et la forge. Dans l'obscurité la couleur du fer devient parfaite, pure, de son rouge naissant au blanc soudant...Les nombreux ruisseaux se conjuguent pour actionner des martinets gigantesques qui pétrissent des éponges de fer
fraîchement coulées. Comme si la montagne concentrait son énergie et son esprit dans la réalisation du
grand-oeuvre. Un rythme étrange, hypnotisant, que ce martelage incessant et sourd comme la roche qui concasse le minerai.
Je n'ai pas trouvé le courage de leur parler, de troubler le rythme infernal de ces fabricants de l'ombre. Quels sont les outils qui sortent de ces forges titanesques ? Quels sont les aciers sublimes qu'accouche cette montagne ? D'autres têtes et forets d'excavation qui leur frayent un chemin jusqu'au foyer suprême de notre Terre,
l'Ultime Brasier des Forgerons ?
Là où brûle la réalité...
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