jeudi 4 janvier 2024

Résumé

Le Forgeron Africain

 En 2009, après 10 ans de pratique artistique sauvage en Espagne, Morgan réalise un parcours initiatique puissant: Un pèlerinage de 6 mois à la rencontre des forgerons africains. Cette expérience unique démarre au Maroc et finit au Burkina Faso en passant par la Mauritanie, le Sénégal et surtout le Mali. En travaillant avec tous ces artisans, incroyable compagnonage, il découvre la force de la Magie grandissante qui émane des enclumes et du fer forgé. Sous le soleil ardent et la terre brûlée de l'Afrique, les forgerons prennent une dimension chamanique qui trouve son paroxysme chez les dogons au Mali. Cet apprentissage entrepris dans une parfaite isolation et grande humilité lui a ouvert un monde de sagesse qui reste ancré en lui et donne cet esprit si particulier et poétique dans son travail.

Pour en savoir plus: www.forgeronafricain.blogspot.com

dimanche 12 mars 2023

Tétanise et guérit partout hypnotique

 C'est un fer qui renferme le feu

Un fer qui tétanise les générations 

Un fer qui guérit 

Un fer tellement abondant mais aussi tellement secret

Un fer qui hypnotise

samedi 28 janvier 2023

Latitudes : Sri Lanka

 Projections des forgerons africains au Sri Lanka. Un autre continent mais la même latitude ! 

Une terre riche de feu mais bien pauvre en fer ou l'art de la lame atteint ce degré où la transmission des générations est bien manifeste. Transpire pourtant cette influence coloniale où les outils du forgeron (enclume et marteaux) ont été imposés par ces anciennes présences portugaises, hollandaises et britanniques. En guise de charbon de forge on utilise la noix de coco! Un recyclage important de l'acier utilise les lames de ressort qui donneront toutes sortes d'outils forgés. Une incroyable richesse en essences différentes permet d'obtenir des manches de grande qualité. 

Mais l'âme d'une forge ancestrale qui s'exprime dans un sang chaud est clairement celle qui résonne souvent en Afrique. 



mardi 8 novembre 2022

Cultuel et rituel

 




Le lien direct entre le fer et la magie



Matières mixtes ...






Forger le pouvoir





 

Lectures

 



mardi 11 février 2020

"FRAPPER" LE FER EXPOSITION AU QUAI BRANLY À PARIS


Une exposition très forte qui ouvre l'esprit sur les multiples facettes de la forge en Afrique. Le sacré, le rituel, le pouvoir, la musique, la monnaie, la magie et toutes les applications quotidiennes de l'art ancestral des forgerons sont illustrés par des pièces rares de toutes beauté.

dimanche 9 juillet 2017

togoman

Voici une très belle vidéo sur la forge des origines/

Le forgeron du Togo

N.B. Je ne suis pas l'auteur

vendredi 5 avril 2013

les femmes forgerons

Certains villages abritent une grande famille de forgerons. Le lieu devient fief. Ces agglomérations d'énergie créatrice vont puiser leur force dans les traditions les plus ancestrales; un creuset de tradition.
Les hommes battent le fer pour contrer les fougues du tonnerre. Les femmes,sortent de l'ombre et se consacrent à la poterie. Le village est constellé de recipients et canaris comme une génération spontanée d'oeufs géants. Toutes ces terres, qui recevront et garderont précieusement l'eau, sont issues de la terre et du feu. Les éléments sont réunis; les esprits sont en paix.

une vue du village de Pala, au Burkina Faso

lundi 18 mars 2013

le forgeron du soleil

Toujours plus au sud, à Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso, le forgeron dépasse les frontières du métal.
Les familles de forgerons préfèrent se consacrer au travail de la fonderie en bronze.
Le feu est toujours présent mais le métal va chercher la couleur du soleil.
De l'insondable obscurité de l'acier, l'oeil s'éblouit dans la lumière du cuivre...




Une alchimie à la recherche de la nature qui épouse les formes et fait ressurgir les esprits, la fonderie est hypnotique. Il faut voir cette coulée au spectre vert emplir les moules en terre cuits au feu de bois. Il faut comprendre le savant mélange des éléments. Il faut avoir caressé la cire d'abeille pour arriver à l'empreinte magique du bronze d'art.

Un peu de technique ?
Les pièces sont façonnées dans la cire d'abeille, noire comme l'ébène, qui, sous ce soleil de plomb, reste toujours malléable. Les sculptures en cire sont ensuite moulées dans une terre réfractaire chargée de toile de jute hachée menue et de poudre de charbon. Une première passe fine qui épouse les moindres détails, puis on rajoute une ou deux couches de terre supplémentaires. Souvent ces couches externes seront renforcées, armées de barres en acier. Dans un grand feu de bois, on pourra, les jours suivants, vider ces coques de terre de leur cire et les cuire (couvert par les buches) en quelques heures. A aucun moment ces moules ne devront être refroidis par le vent ou l'eau car sinon ils pourraient éclater! Juste avant la coulée, on a calé les pièces moulées dans une tranchée en terre (remplie de cendres s'il le faut). Non loin, dans un four au sol en terre réfractaire qui ressemble à une termitière, la forge, on cale le creuset avec son comptant de charbon. Le charbon sera répartie uniformément autour du creuset. Le foyer couvert par une maigre tôle est enragé par une tuyère qu'alimente la roue de bicyclette. Puis le creuset est maintenant à point, l'alliage est liquide. A l'aide d'une louche en acier épais que l'on a bien laissé chauffer dans la forge, on verse progressivement le métal dans les moules. Les scories ont été "écrémées" avant de couler le bronze...

mardi 12 mars 2013

Les dabas du Burkina

Visite d'un forgeron à Bobo Dioulasso au sud du Burkina Faso.
Les frères de cette réputée famille de forgerons oeuvrent sous un arbre en plein air.
Des "dabas" ou hermines sont produites en série à la sueur des artisans




La forge est soufflée par deux sacs en cuir qui sont venus remplacer les traditionnelles peaux.
Un acier très dur en lame de suspension est frappé sur deux enclumes "colonnes";
Le marteau à la table défoncée est assisté par deux marteaux à devant dont la cogne est bien franche!
Les outils à la finition un peu grossière s'enchaînent à un rythme surprenant.
Les manches en bois de tamarins sont sculptés et ornés en motifs brûlés.
Le grand frère est dur et froid, ironique parfois...

lundi 4 mars 2013

La charrue pour un voyage fertile...

La charrue avance avec deux roues mais aussi avec trois thèmes:

La charrue céleste vous prépare un bien beau voyage...
La visite des forgerons africains continue au Burkina Faso. Une découverte guidée par le monde des esprits pendant un mois.


 
La charrue est un symbole de fertilisation; les soc est comme le membre viril qui pénètre le sillon semblable à l'organe féminin. Passer la charrue sur la terre, c'est unir l'homme et la femme, le ciel et la terre. La fertilité c'est l'art et c'est la vie!

Isaïe 2,4: "Ils forgeront leur épée en socs de charrue et leur lances en faucilles. Une nation ne lèvera plus une épée contre l'autre et l'on apprendra plus la guerre." La paix c'est mon vœu le plus cher pour ces pays si riches en traditions et en vitalité...


samedi 13 octobre 2012

forge du destin d'un passé oublié




Chaque coup porté est l'écriture de son existence de ses joies et tourments qui formeront le livre de la vie et des esprits...

lundi 12 septembre 2011

Le nomade

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A la recherche du forgeron nomade...

Celui qui viendrait de toutes parts pour nous aider à renforcer ce monde fragile. Un envoyé itinérant en mouvement perpétuel qui, en défiant les lois du métal pesant, le fer, nous rapprocherait du coeur de la terre et nous ferait comprendre les mystères de l'univers... Il irait partout avec son marteau pour façonner nos mains et apaiser nos coeurs.

Son feu brillerait dans nos yeux et nous serions à jamais unis autour d'une même âme.
Ses outils nous enseigneraient la paix et par leur magnétisme nous déchargeraient de toute cette violence qui nous perd...

samedi 21 mai 2011

l'Afrique du feu

L'Afrique en nature avec sa chaleur et sa nature de feu; sa terre qui brûle au soleil et le coeur des arbres qui mutent en charbon




L'Afrique et ses croyances avec ses rites et ses cousinages; une superstition omniprésente qui nous aide à rendre une âme au monde

L'Afrique en guerre qui se déchire avec ses armes et ses conflits de clans envenimés par les ponctions d'argent; une alternative avec la culture de la chasse, une tradition des armes, des haches et des lances

L'Afrique en musique autour du feu, installation tribale, les sons secs

L'Afrique animale, le serpent de feu, la crinière flamboyante, le cuir noir....

mardi 16 mars 2010

Fer de Lance

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Au Yatenga, la forge est le berceau de la chasse. La force du chasseur africain est l'essence de ce que nous sommes en train de perdre après avoir été en symbiose avec la nature pendant des millénaires. Chez le forgeron du Yatenga au nord ouest du Burkina Faso on ne voit que des outils de chasse. Des sabres, des lances, des couteaux, des flèches et autres pièges. Une vocation meurtrière dont dépend la vie. Nous sommes effectivement au Sahel dans une région toujours plus aride où il est vraiment difficile de cultiver; alors on chasse.
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Avant on faisait la guerre. Territoire de chasse oblige. De nombreuses histoires de luttes entre le royaume et les dogons qui descendent du ciel de leur falaises pour agrandir leurs sphères d'influence et atteindre l'eau. C'est là que le fer est signe de violence et de mort. C'est dans ce passé sanglant que prend racine le symbole sacrificiel du fer. Lorsque la mort et la guerre entre en jeu on oublie subitement les parures, la culture de la terre.
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Depuis Ouahigouya, la capitale du puissant royaume mossi, on appréhende au mieux la diversité des peuples. Tout s'éclaire en comprenant les pérégrinations des familles forgerons qui s'unissent ou se pourchassent. Dans ce petit monde la caste n'est plus cette réalité incontournable des familles dogons ou maliennes. Les forgerons ne dépendent pas d'un système de caste mais restent les meneurs spirituels et politiques. Une jolie excursion des tribus au Yatenga sur la page suivante http://burkinafaso.over-blog.net/article-les-forgerons-du-yatenga-40940503.html .
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jeudi 11 mars 2010

croire dur comme fer

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Au Mali, les dogons ont gardé une grande force culturelle à travers les différents âges grâce à une croyance animiste très forte. Pour eux à chaque êtres et à chaque choses correspond un esprit avec qui il faut vivre en harmonie. Une vie pleine de respect et de qualité.

Amma c'est le créateur de toutes choses; il a la forme d'un oeuf géant qui renferme les quatre éléments (eau, feu, terre et air). La vie a été créée dans une combinaison de sept explosions. Chaque vie c'est une énergie qui la vitalise, le Nyamma.

Le monde, parmi treize autres superposés, est un grand plateau tournant autour d'un grand pilier en fer. Oui, le fer. Tout un magnétisme autour du métal qui soutient toutes les croyances. La force et la stabilité de ce peuple vient de là. Le fer noir sacré qui vient de la falaise de Bandiagara toute en pierre noire. Ce sont les forgerons sorciers qui l'extraient. Eux seuls ont le pouvoir de brûler la roche, de la faire fondre des jours durant, pour recueillir l'éponge métallique. Le village des forgerons s'appelle Kundu, c'est là que les plus grandes familles sont réunies. Hormis celle du grand hogon patriarche suprême des dogons qui vit en ermite à Arou.

Et de là, ce sont eux qui dirigent la société: Les hogons, ou chefs de village, sont forgerons. Ce sont les forgerons qui parlent aux esprits, guérissent et circoncissent. Marcel Griaule, un anthropologue est allé vivre avec eux et a écrit ce très beau livre, "Dieu d'Eau. Car le pendant du fer c'est l'eau qui est sacrée dans cette terre aride aux portes du désert.
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samedi 6 mars 2010

le forgeron dogon

* Au bout du monde, c'est là où se trouvent les dogons, à moins que ce soit sur une autre planète! Pour faire l'ascension au monde de Dourou, vous traversez une grande plaque rocheuse aux aspects ténébreux et brumeux. 

Vous êtes dans le vide, il n'y a plus de ciel, un grand bain de lait bouillant et la pierre...NOIRE! Partout. * Quand on entre chez les dogons, tout se transforme en pierre, la terre se fait plus rare, l'eau disparaît. Les villages sont flanqués dans une falaise colossale qui marque la frontière du désert au sable orange. Ils se sont installés là, dans les recoins, les petites criques ou oasis. * Visite de la famille Saye à Dourou Tanga. L'atelier est en pierre sèche sur une place dans le village. Très bas de plafond, ainsi vous ne pouvez vous lever en colère, sinon vous vous cognez. L'enclume est en pierre! Les deux sièges du forgeron également. Il est formellement interdit de s'y asseoir; sinon...Les marteaux sont...non pas en pierre, mais en fer noir faits maison. Des masses plus que correctes de plus de cinq kilos. Le fer noir c'est le fer ancestral extrait de la falaise, le fer sacré. * Cette famille ne fait seulement que des couteaux, des haches et des bijoux avec des parures en bois sculptés d'une rare finesse. Mais la tradition c'est guérisseur! Justement on apporte un enfant ébouillanté. Le chef de famille, Moussa, se met à avaler une quantité impressionnante de brindilles en feu allumées dans la forge. Puis il recrache une abondante bave vertueuse sur la jambe du petit. L'opération a duré deux minutes, le petit a cessé de pleurer, il va bien cicatriser. * Le grand fils de Moussa a repris le flambeau. Il est plutôt petit, tout en fibre, électrique avec un grand calme et plein de douceur. Lorsqu'il martèle, il pousse des petits couinements de gnomes qui rythment la frappe au delà du son mat de la pierre enclume. C'est aussi un passionné de la taille sur bois; chaque temps mort est consacré à cette "manie". Il n'arrête jamais. Son petit frère, Boureima, m'a forgé une petite gourmette en fer torsadée de celles que l'on donne aux bébés à la naissance. Pour renforcer et accompagner une bonne croissance des os! * Les dogons extra-terrestres !!! *

dimanche 28 février 2010

la forge et la modernisation

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Dans l'histoire, il y en a bien de ces moments où l'on se sent bien; je veux parler de ces époques de paix où les jours se suivent comme un tranquille renouvellement du quotidien. On pourrait rester comme ça une éternité, Dieu sait si on a le temps! Mais non! Il faut du changement, des machines, du progrès, de la dynamique de croissance...Bon. Personnellement j'ai horreur de la routine, mais je crois qu'il faut parfois s'arrêter pour réflechir un peu sur les concepts d'innovation et de développement.
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J'écris cet article parce que je viens de parler avec plusieurs forgerons maliens qui veulent aller de l'avant. Ils disent que le Mali est en retard, il faut donc moderniser les techniques. Il s'agit, pour certains, d'entrepreneurs qui ont laissé la tradition familiale de forgeron. Ils ont préféré laisser un travail physique harassant pour connaître le succès dans les affaires. Et pas forcement dans la métallurgie.
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D'autres forgerons exercent encore, mais pestent contre ces conditions de travail primitives des ateliers où il n'y a pas l'électricité! Rappelons qu'une majorité des artisans coupent leur métal au marteau et au burin; point de meuleuse! Un vieux du métier m'a avoué qu'il rêve de travailler au tour mécanique pour le décharger de son labeur de métallier (fabrication de braseros en tôles assemblés en languettes). Comment les contredire, on est en Afrique, il fait chaud et il y en tant qui donnent l'illusion de s'enrichir sans peine! Pourtant si nous perdons la tradition culturelle que représente la forge, je crois que c'est une grande partie de nous mêmes que nous assassinons.
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Au Mali aujourd'hui en 2010, il faut savoir que les ressources naturelles sont difficilement exploitées/exploitables. Cela fait 6 mois que le pays reste sans gaz et on cuisine d'est en ouest au charbon de bois! Il reste encore beaucoup de réseaux d'eau potable à installer, l'électricité est un luxe en dehors de la capitale et des grandes villes. Mais, tout le monde a son ou ses portables!
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Pourtant, dans ce grand et noble continent c'est un décalage avec le temps qui pouvait nous faire rêver. Comme une sagesse qui commande de ne pas aller trop vite, de ne pas tout griller. Rester dans la simplicité et l'harmonie. Une humanité où, comme au moyen âge, l'homme est fort parce que chaque jour il se confronte à la nature, à la terre aux éléments...je sais ce que l'on me dira, mais je demande que l'on se penche un peu sur le problème de la vitesse! La vitesse du développement. Pourquoi systématiquement annuler et remplacer ???

vendredi 26 février 2010

Forgeron Poseidon

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J'ai eu l'extrême privilège d'être reçu par une très grande famille de forgerons du peuple sumono au Mali. J'ai vu un mythe. Une chance.
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En allant dans ce village, je ne m'attendais pas à trouver l'archétype de la forge familiale traditionnelle africaine. Et pourtant, comme des tambours, les marteaux m'ont appelé. Les courants inversés du Niger n'ont pu m'empêcher de trouver cette oasis divine. L'atelier est très grand, ce n'est pas une paillote. C'est un sanctuaire en terre aux façades ajourées ou délabrées en train de s'écrouler dans le Niger. Une forge hors du temps avec ses gros soufflets en peau de bique...
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Baba, le chef de famille, trône et supervise le rythme furieux de cet atelier aux 4 forges, 8 enclumes que font rugir au moins douze personnes. De son regard bleu profond, presque aveugle d'un autre monde, il m'a montré le grand oeuvre: Un gigantesque harpon tout en ramifications quadruples répétées quatre fois, un arbre de fers en pointe, un sceptre divin forgé dans la même tige ornée de sublimes ciselages et cachant à l'autre pointe une dague propre à abattre un dragon. Il me montre aussi deux de ses lances sculptées dans l'acier, le cuivre et le bronze. Deux herses célestes où s'emboîtent on ne sait comment une multitude d'anneaux et sections gravées, évidées pour dépasser les deux mètres de long. Baba une grande chaleur qui vous salue et sait!
Aujourd'hui il n'a plus besoin de travailler...
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Ensuite vient le grand frère Nogotou, un sorcier à la force tranquille qui prend littéralement le feu en main. Il forge des dabas, des haches qui sont de véritables oeuvres d'art. Ces haches sont faites avec des lames de suspension qui sont arrivées là on ne sait comment puisqu'il n'y pas de route. La lame d'acier est coupée au burin à chaud. Le marteau pour l'occasion n'est pas ordinaire: il est tout en métal et a la forme d'un grand P plein qui peut peser ses 3,5 kg. Sur la base de la hache, il forge une garde, un grand tour de force! Pour finir, il poinçonne son travail avec des motifs magiques qui restent comme une signature incantatoire !!!
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Son frère Tonka, une force de la nature, travaille dans la masse, le soc de charrue avec des plaques de 100mm de large et 10 mm d'épaisseur. Plus personne ne fait ça sans pilon, mais lui y passera une demi journée et il en sort une lame parfaite pour la charrue classique à huit boeufs. Le matin il m'a montré avec beaucoup de patience comment faire un bon burin et le tremper. Tonka est très fier parce qu'à la saison des pluies où tout s'inonde, il travaille aux champs; ça lui permet de se défouler.
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Trois gamins d'environ dix ans n'ont pas arrêté de la journée, actifs donc et bien lumineux aussi. Ils peuvent faire office de pilon à trois quand chacun tape peut-être plus fort à la masse que moi. Mais là où je leur fais la révérence, c'est qu'ils vont faire en une demi journée un festival de couteaux. De longues dagues sorties de fers plats de 40 par 12 aux lames gravées avec un manche en bois orné au feu!
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Il y a aussi le cousin qui confectionne des couteaux en forme de lance embauchés sur un manche en bois. La pièce métallique comprend tous les tours technique de forges.
Et pour faire le tour de la famille, un petit séraphin qui se traine les roubignolles au milieu du charbon, sacré mascotte.
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C'était un mardi, le jour de mars, le jour du fer, le jour où j'ai visité ma première mosquée en terre envahie de chauve-souris, le jour où j'ai vu des serpents volants formés par des nuées d'oiseaux regroupés dans le ciel qui vous disent que vous êtes très proche du divin...
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Des signes, des écritures éternelles avec l'air et le feu!
Merci!
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jeudi 25 février 2010

La forge en famille

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Sous la paillote de Koorka Traore, à Diafarabe, au Mali, on travaille en famille. Aujourd'hui, c'est le jour du marché (quel spectacle dans la bourrasque) et on se dédie à la confection des clous. Le père, déjà âgé, ventile avec une petite manivelle avec science et patience. Ses trois fils sont à l'ouvrage. Le plus jeune, de 9 ans environ, va couper au burin les plaques en triangle. Son aîné, 11 ans, avec une énergie presque rageuse, sort la petite plaquette du foyer et la rabat sur elle-même au marteau. Le grand frère, 13 ans, termine la pointe. Leur enclume comme la plupart dans la région, est en forme de pavé juché sur un gros clou. Un travail à la chaîne franchement rébarbatif parce trop répétitif.
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On ne peut s'empêcher de penser au problème du travail des enfants. Ici nous sommes dans le cadre d'une petite entreprise familiale et la forge est, à mon sens, un travail noble. Le père déjà vieux ne pourrait soutenir la besogne tout seul. Cependant ces enfants ne vont peut-être pas à l'école. C'est dommage. Et pourtant ces gosses sont vraiment très jeunes, même s'ils sont largement à la hauteur. Ils n'ont peut-être même pas choisi de travailler ici. C'est un problème très délicat car si un père n'impose pas la continuité du métier, l'art se perd. Ainsi disparaissent peu à peu tous ces métiers artisanaux. Ambigu donc, mais je crois que pour ce genre d'activité, le jeu en vaut la chandelle. C'est peut-être même presque une chance d'avoir cette descendance. Il y a quelque chose de très beau quand un père peut directement transmettre son savoir à ses fils. On est en plein système archaïque. On est loin du contexte des gamins qui charbonnent dans les mines ou en Chine pour une mega-firme qui leur sont totalement étrangères...A voir je vous invite aux commentaires...
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mercredi 24 février 2010

le sourire du forgeron

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A Ke Macina vient de s'installer Deye Noumouke. C'est vraiment le forgeron le plus souriant que l'on puisse rencontrer et c'est pas peu dire, tous sont généralement très joyeux, le moral au beau fixe comme partout en Afrique. Il est là sur sa peau de bique, assis, et vas-y que je te cogne à une main sur mon enclume-clou avec une masse de 5 kg. Bon il est costaud le gamin, mais il sourit tellement!
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Revenons à la bonne humeur. Deye est jeune et très bon forgeron. Il vient de Dja, un petit village au nord, dans la savane. Sa paillote n'est pas encore trop connue des locaux, mais déjà il travaille un peu. La forge a été construite à même la terre: non seulement le feu repose dans une petite tranchée mais aussi le ventilateur est littéralement enterré dans la terre séchée. Cela tiendra le coup au moins jusqu'à la période des pluies. Ce ventilateur est actionné par une roue de bicyclette et sa pédale avec une courroie en chambre à air torsadée! J'ai eu le temps d'observer l'artifice puisque j'ai passé la journée entière à "faire du feu avec une bicyclette à la main", passez moi l'expression.

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A lui tout seul Deye s'attaque à des lames de suspension en acier dur dur pour faire des couteaux, des haches, des pelles, des socs de charrues bref tout ce que vous voulez pour aller aux champs. J'ai bien aimé sa bouterolle, qui permet de chanfreiner des plaques de 1cm d'épaisseur. Je lui ai fait faire une hache-pelle avec le manche pour l'offrir à mon hôte de Ke Macina. En un rien de temps.

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Ah oui: Ils sont venus organiser un concours des artisans dans son village. Il a refusé d'y participer. Ils l'ont menacé d'une amende de 5 euros, le prix de trois haches. Il a finalement fait une pièce, un masque. Ils lui ont décerné le prix du concours. J'aime bien, ça me rappelle quelqu'un!

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lundi 15 février 2010

C'est en forgeant qu'on devient forgeron ?

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Pas toujours ! 
Ici en Afrique de l'ouest la société est articulée autour d'un système de caste.




Ainsi peut-on naître forgeron sans avoir jamais touché un marteau. Le feu est en vous! L'appartenance à cette classe vous donne un grand nombre de privilèges puisque les forgerons sont très respectés. C'est une sorte de noblesse. Vous pouvez vous reconvertir dans de nombreux autres secteurs pourvu que ceux-ci soient également dignes de respect. On donne pour exemple: chasseur, guérisseur, féticheur, masseur, chanteur etc. Les personnes dont les parents sont forgerons ne pourront pas se marier avec un élu d'une autre classe, c'est un système endogame. Cette aristocratie transcende les frontières puisqu'elle règle la vie de nombreuses ethnies de l'Afrique de l'ouest.

Beaucoup de forgerons sont restés à la forge. Ils gardent les techniques ancestrales et se les transmettent de père en fils. Ils connaissent la science et l'adjuration des génies du feu, du vent, de l'or, des mauvais esprits. Leurs dons les conduisent à l'intersection des deux mondes, des vivants et des morts. Ils entrecroisent les univers de la lumière et de l'obscurité, du visible et de l'invisible.

Le forgeron c'est le lien entre le matériel et l'immatériel...
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dimanche 14 février 2010

Soleil du soir

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Exactement la couleur du fer jaune orangé qui sort de la forge prêt à être tapé.


Le soleil se couche.


Un grand disque ardent à une paume au dessus de l'horizon.
Il ne passera pas par le marteau, il est parfait, suprême, impossible et inutile de le déformer.

On va juste le regarder se refroidir...


Sans rancune, même s'il nous écrase toute la journée sur l'enclume implacable des grandes plaines du Mali.
Laissons-nous tremper par la nuit.

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mardi 9 février 2010

Le démon forgeron

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Il a pris mon regard et juste avec les paroles, il m'a forgé. Un regard noir d'une profondeur insondable. L'ai-je soutenu grâce au fer qui est en moi ou suis-je resté collé dans ses yeux sans avoir d'autre choix. Blindé ou hypnotisé?



Voici quelques jours, au beau milieu d'une rue anodine à Ségou, j'ai fait cette rencontre surnaturelle. Comme un chasseur d'âmes déambulant. Cet homme d'âge moyen m'a interpellé dans sa langue mais violemment et revenait le mot "Bamako". Un regard noir perçant qui essaye de me sonder. Un avertissement, une poésie, une devise des maliens errants? Une folie me dit une femme du voisinage. Après cette altercation je suis resté plombé jusqu'aujourd'hui. Il y a certaines personnes qu'on ne doit pas regarder pas dans les yeux. Pourtant j'en suis à mon troisième en trois mois. On parle souvent ici de forgerons féticheurs, mais ils ne sont normalement point nomades!



Il vagabonde en haillons de coton noircis, comme en tuniques brûlées, éclatées. C'est cette allure carbonisée et l'attirail métallique qu'il porte qui lui donne cette identité forgeron. Il porte un carcan avec un tube évasé, comme une courte sarbacane, et une longue aiguille effilée. Il ne s'en sert pas mais il vocifère comme Lucifer. J'ai rencontré un démon forgeron en plein jour!

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lundi 8 février 2010

forgeron pêcheur

=
Ça y est j'ai trouvé mon forgeron au bord du Niger. Il forge tous les ustensibles possibles inimaginables du piroguier. Des harpons a triple crochet. Des pointes. Des clous pour assembler les bois sur la pirogue. Des hameçons. Des crochets. Des manilles. Beaucoup d'autres choses. Les clous, c'est le peuple pêcheur "bozo" qui en a besoin, qui fabrique des pirogues en tek impressionantes qui atteignent parfois 30 mètres de long.

Il est silencieux. Même son marteau ne résonne pas. Nous avons là un amoureux des pointes. Il les soigne avec passion. Il les étire à l'infini avec une attention minutieuse. Quart de tour, quart de tour, quart de tour...à une vitesse prodigieuse. Le marteau ne tapera jamais deux fois au même endroit. Ce marteau est taillé comme une hermine mais sans tranche...

On travaille sous la paillote avec récupération de tôles qui seront transformées en clous avec la technique accordéon. La forge est douce, un petit foyer qui ronronne en silence. Ventilé par une dynamo branchée sur batterie qui actionne un cylindre discret; Quand la batterie se recharge, quand on la remet sur la voiture, on passe à la roue de bicyclette. L'enclume c'est un clou: enfin un gros gros clou, comme un pavé, carré en bonne et due forme, sur un pieu d'un seul bloc. Et jusqu'où va ce clou dans le sol, nous ne le savons pas. On va dire au moins jusqu'au centre de la terre. Parce qu'après il y a une frontière, celle qui vous dissout. D'ailleurs vous avez déjà pensé au problème des frontières souterraines ?

Plutôt jeune, père de famille quand même, il forge les yeux fermés. Enfin c'est une expression. Il est là avec son collègue sous la paillote, petite musique Afrique qui détend l'atmosphère. (Son fils de deux ans et demi aime bien s'essayer au marteau sur l'enclume comme papa! ça promet). Vous pouvez rester des heures à les regarder le cul à côté de la brebis. Et puis vous vous envolez avec le regard au loin sur le vaste Niger d'acier au soir couchant là tout près...au Mali comme dans un rêve. Dans ce monde où les forgerons-féticheurs sont les gardiens conciliants avec les esprits.
=

dimanche 7 février 2010

le temps du forgeron

=
Ah le temps en Afrique!

Pourquoi ? Vous êtes pressé ? Chaque chose vient en son temps mais toujours ponctuellement.
Seulement voilà il y a ici un art de dissoudre le temps qui rend la vie magnifique! Ici le temps vous appartient alors qu'en occident vous êtes l'esclave du temps. Cela fait maintenant trois mois que je vis sans montre et je sens en moi comme un rythme biologique qui s'installe pour toute l'organisation de la journée. Je crois que l'on retrouve ici comme un rythme des gens qui vivent à la campagne. Un accord avec les jours et les saisons. Une philosophie de vie qui rejoint l'adage: "chi va piano, va lontano ma sano!"

Cette approche vous donne beaucoup de sérénité. Dans le travail vous aurez plus de facilité à soigner la finition. Dans vos relations sociales, vous serez plus à l'écoute, plus disponible. Au final la plupart des gens est capable d'être productif parce qu'immergé constamment dans le travail. Ce qui a disparu, c'est le stress. Même si les téléphones portables sont omniprésents ce n'est pas une raison pour savoir l'heure.

Enfin il y a dans la vie africaine une grande force de religion qui scande votre journée. Depuis l'appel à la prière le matin à 5 ou 6 heures jusqu'au soir. De plus l'islam inscrit le futur comme une destinée, la volonté de Dieu contre laquelle on ne peut rien. Pour eux, il y a toujours une grande réserve sur les projets de demain. Inch'Allah!

Et le forgeron qui rythme sa vie au son des coups de marteaux sur l'enclume, il choisit ses secondes, il accélère, il ralentit. Une seule chose: A chaque coup de marteau il se rapproche. Distorsion élastique...

samedi 6 février 2010

le forgeron bijoutier

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Un grand changement. Ici au Mali le forgeron est avant tout un bijoutier. On sent clairement l'influence des touaregs du nord désertique du pays. Mais forgeron parce qu'il travaille au marteau sur l'enclume avec une forge! C'est le métal qui change!

Dans l'atelier de M. Coulibaly à Segou, on travaille l'argent blanc. Confection de bijoux tels que des bracelets, gourmettes, bagues, boucles d'oreille. En tout et pour tout un petite enclume, une forge installée dans un bac ou l'on concentre le foyer avec de la terre réfractaire. On chauffe le métal au charbon de bois puisque la température nécessaire n'est pas aussi haute que pour le fer. Depuis une frappe assez franche pour forger un petit lingot en bracelet plat, on passe à un travail plus délicat avec des burins minuscules. On finit la forme arrondie avec un bout de branche.

Ce qui est remarquable c'est que l'artisan procède lui-même à la fusion de son métal. Il prend un creuset ou il mélange les différentes parties de l'alliage (laiton et argent?). Il place ce creuset dans la forge et quand il devient rouge il y agrège de la poussière de charbon. Le moule où sera coulé le lingot a été préparé avec de la cire. Il doit se souvenir que le partie inferieure de la coulée sera plus brillante.

J'ai passé toute la matinée à suivre la réalisation de pendentifs. Le martelage qui suit les mêmes lois que le fer forgé, on étire .... La grande différence tient au fait que l'on ne travaille pas à chaud. La pièce est recuite (c'est à dire mise au feu pour qu'elle récupère son harmonie moléculaire) seulement deux ou trois fois. Au sortir du feu sa couleur grise est la même que l'acier, c'est curieux. En revanche, le métal deviendra blanc après un actif savonnage que l'on fait en tout dernier.

Enfin, et c'est le point le plus important de cet article, cet artisan de Segou m'a confié un des secrets du métier. Après la finition de la pièce, on la trempe dans l'acide chlorhydrique pour la blanchir. Immédiatement après on la rince avec un décoction de pétales de dakumu, qui a la vertu exceptionnelle de rendre l'acide passif. Voici le secret que tant d'artisans recherchent en occident. Inutile de dire que je vais tenter d'en rapporter pour l'essayer sur le fer...
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vendredi 5 février 2010

outils de taille

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A Bamako, village artisanal:
Les sculpteurs sur bois. Collection de masques à vous couper le souffle!
Un rassemblement permanent étonnant d'artisans qui travaillent le bois d'ébène.
Je veux en parler parce que ce bois est tellement dur et noir qu'on a l'impression de voir des artisans à la forge!

C'est le bois très dur mais vraiment exceptionnel pour réaliser des sculptures. Les troncs sont blancs sur l'extérieur et noirs au coeur. Très dur donc, ce qui demande une qualité d'instrument excellente en plus d'une technique éblouissante. Notons au passage, que la pièce que l'on travaille est calée sur un tronc traversé d'une bite en fer. Le maillet est directement extrait de l'ébène. Padie, mon ami y travaille depuis l'âge de 12 ans et en a aujourd'hui 28. Il domine son art et vous taille dans l'ébène une gazelle emblématique du Mali en moins de deux!

La grande majorité des instruments sont en fer forgé! Les plus étonnants sont les "kuri" qui sont comme des pointes de lances incurvées. Ils sont utilisés comme racloirs ce qui permet de lisser les aspérités d'une première taille dégrossissante. Comme l'instrument finit en pointe, il est possible de corriger la pièce jusque dans les moindres recoins.

On voit aussi les herminettes de toujours mais qui sont ici à Bamako fixées en tête de manche avec un couvercle poinçonné, comme un chapeau qui recouvre la lame. Il va vraiment falloir que je me colle à la fabrication de ces instruments à mon retour. Ces herminettes sont forgées depuis un fer plat que l'on forge en "v" sur sa longueur et aussi en "v" sur l'épaisseur. C'est tout de même avec cet instrument que l'on évide des troncs entiers pour faire des pirogues. La hache magique. Parfois la lame tombe si près du pouce ou du pied !

herminette


Anecdote: Quand je demande où sont les forgerons du fer on ne sait pas! Pour ces sculpteurs sur bois c'est un autre monde que l'on ne connait pas. Fer et bois
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lundi 1 février 2010

quatorze disques lunaires

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C'est ici à Bamako qu'il fallait être pour voir surgir une pleine lune massive. Monumental oeil du ciel. Une lune qui mange toute l'obscurité. Elle jaillit au dessus du Niger et irradie le fleuve. C'est une vision que je ne veux jamais oublier: J'y vois par un reflet magique toute la cosmogonie dogon!

Un reflet magique sur les ondulations de l'eau transforme cette boule d'argent en quatorze disques successifs, comme superposés. Ces plateaux lumineux tournoient sur eux-mêmes dans le sens inverse du temps. En cet instant je vois la vérité, l'univers entier. Chez les dogons, l'univers est constitué de quatorze mondes en forme de disques empilés sur un axe central en fer. Il existe tout autant d'Amma ou créateurs de monde sachant que le monde le plus bas est le plus puissant. Notre monde est le septième en partant du bas. Chaque monde possède au centre la terre entourée d'une mer salée cernée par le serpent qui se mange la queue! Tiens tiens.

Et puis je comprends : l'inséparable jeu de l'eau et du feu. L'eau qui jaillit des sous-sols, des mondes sublunaires surpuissants. A l'inverse de la pluie c'est un déluge qui inonde le ciel. Une alchimie gravitationnelle. L'eau qui tombe du sol.

C'était ce Samedi 30 janvier 2010, à Bamako brille une vérité. Cette image me vint du même azimut que le pays dogon, à l'est de Bamako.

vendredi 29 janvier 2010

marteau

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Fasciné par ces hommes en pleine fièvre du travail du métal, je ne me suis pas assez arrêté sur le marteau. Cette masse en métal toujours en mouvement. Du nord du maroc jusqu'en Afrique de l'ouest l'instrument aura beaucoup changé. La prolongation de la main, du bras, de l'homme. Le marteau c'est un langage, un moyen de communiquer avec le métal.

Au Maroc le marteau c'est comme à la maison. Parfois on voit du rafistolage. La tête est soudée au manche en tube. A Fez, dans la medina, le marteau n'a qu'un seul côté !!! Mais il y a aussi les chaudronniers qui travaillent le cuivre et repousse leur plaques avec un gros maillet en bois. Et oui le fer et le cuivre ne font pas toujours bon ménage.

Pour ceux qui taillent le bois, la frappe se fait avec le maillet taillé dans un bois dur. A bamako les artisans travaillent avec de superbes maillets en ébène.

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jeudi 28 janvier 2010

roche rouge

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Dans le désert la météorite est descendue. En chemin, le maître des grands âges l'a relevée. En mémoire des coquillages, il l'a forgée avec le seul feu que cette pépite avait secrètement gardé. C'est ainsi qu'est venu le bâton du tonnerre qui mène la pluie!

Quand vous entrez en Afrique, vous foulez un sol rougissant. Ce n'est pas seulement le reflet du soleil. Vos pas frôlent un mystère, un rouge feu, rouge comme le sang! Et puis ce sol devient poussière et toujours plus au sud c'est l'air qui devient rouge...

Alors je pose la question que je me suis toujours posée: Une roche rouge? Cela veut-il dire que ces minéraux contiennent du fer? Et oui, si le sol est rouge c'est qu'il s'oxyde et s'il s'oxyde c'est qu'il est ferrique. Ou non?

Une quantité incroyable de blocs rocheux parsemés comme d'innombrables météorites ferriques. Elles ressemblent à des éponges minérales pleines de petits cratères. On dirait qu'il n'ont pas beaucoup bougé depuis qu'ils sont tombés du ciel. En observation.
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site rouille

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Variations sur la carcasse. Ici je ne veux pas parler de la vache morte écrasée ou du rat archi-repassé au pneu. Non je veux parler d'une extraordinaire collection de carrioles défoncées. Tant de véhicules cabossés. Patchworks de tôles en tout genres. Des vas-y que je te soude et que je te ressoude et surssoude toutes les parties de la carrosserie. Par exemple l'aile arrachée à un autre cadavre archi super irrécupérable. Parce tout y passe, tout est broyé. Si le forgeron est le maître qui donne la forme au métal alors les carrossiers ont leur place dans le monde des artistes. Création de pièces uniques avec patine rouille ultra-rapide assurée. Des véhicules légendaires qui roulent, oui qui roulent dans un grand ballottement sur les pistes difficiles et qui tiennent le coup.

Combien y a t-il de voitures sur une voiture? Le continent du rafistolage métallique. Je finirais bien par voir une auto 100% soudure tout en cordons. Avec une telle déformation, on penserait voir le résultat d'un long défoulement au marteau ou à la masse. Et ça ne concerne pas que les voitures, il y a aussi toute la grande famille de la ferraille (toitures, machines, trains etc...). Au Sénégal on peut voir pas mal de trains déraillés sur cette mythique ligne Dakar Bamako. Les cadavres restent là gisant au milieu des gares d'une autre époque.

Autant de sculptures. Violente cette fracasserie de métal devient belle. Elle reste là isolée dans la nature qui prend le dessus. Et là il y a comme un des secrets de l'Afrique: Au milieu du désordre et du chaos, l'africain reste beau et noble parce qu'il possède encore la dignité de la nature.
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mercredi 20 janvier 2010

renaissance africaine

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Un forgeron en métal de 50 mètres de haut à Dakar




"Renaissance Africaine" c'est le titre du nouveau monument de Dakar. La statue qui toise la capitale de ses 150 mètres de haut, représente la famille élémentaire tournée vers l'ouest (l'homme, sa femme, l'enfant) dans un élan héroïque qui surgit de cet ancien volcan. Lui pourrait être forgeron, l'ode à la force physique, mais plutôt sovkhozien. Cette nouveauté est le sujet de grandes controverses.


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Le style est franchement inspiré de l'art dit "totalitaire", on pense à ces monuments russes ou maoïstes qui font l'éloge du travailleur héroïque. D'accord mais où est passé la culture africaine et sa symbiose avec la nature, ses formes expressives souples mais incarnées d'une force cosmique et religieuse. Cette statue est-elle un lapsus ? Un révélateur psychanalytique de la pensée politique africaine qui souffle l'Afrique d'aujourd'hui ? Hubris quand tu nous tiens...


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Pour couronner la faute goût, il y a une légère maladresse politique. L'artiste et propriétaire de l'oeuvre, le président de la république, M. Wade a choisi de confier ce chantier de 15 millions $ aux coréens !!! C'est dommage pour l'emploi sénégalais. Enfin "l'artiste" recueillera 30% des recettes du tourisme pour les distribuer aux enfants, mais à titre personnel. Pourquoi ne pas faire confiance à une association puisqu'on a fait confiance aux fonds publics pour tout construire ?


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Ainsi brille le Sénégal mais pas vraiment dans une version panafricaine.




lundi 18 janvier 2010

Un foyer au sol

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Le feu c'est facile, il faut juste un peu de charbon et puis souffler! Ainsi la température monte plus haut aux alentours de 1000 C°et vous pouvez forger.

La plupart des foyers de forge en Afrique sont simples. Pour faire une forge vous pouvez vous mettre au sol sur du sable. Si vous avez des briques réfractaires comme base c'est mieux. Aujourd'hui encore je parle avec un bijoutier qui s'est confectionné un modèle tip top: Une roue de voiture avec un moulin manuel directement soudé sur le côté !

L'alimentation en air ou la ventilation c'est un soufflet qu'on actionne avec une roue de bicyclette ou une turbine faite maison qui tourne à la main ou avec un moteur. Au fur et à mesure que l'on descend au sud, il est de plus en plus rare de voir des souffleries électriques.

Les forges les plus efficaces sont celles ou l'on cale le charbon contre une paroi réfractaire dans laquelle débouche le flux du soufflet. Reste que le plus important c'est la connaissance du feu. Comment placer votre ouvrage dans le charbon, combien de temps vous le laissez... C'est là que l'on entre dans le secret: L'oeil.

Dans l'autre monde, vous aurez le temps d'attendre que le métal rougisse à la vue du soleil dont, avec un peu chance, vous serez si près! Si proche! Si prêt....
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mercredi 13 janvier 2010

fer et cacahuète

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A Kelle*, en pleine brousse sénégalaise, on touche à la réalité agricole africaine en 2010. En trois jours avec l'association italo-sénégalaise Sunugal**, on peut enfin dire quelques mots sur le rôle du fer dans la vie agricole. Insignifiant. Les ressources principales c'est l'homme et l'eau. Le fer c'est annexe. Des outils pour travailler la terre vous en aurez toujours. Ce ne sera jamais l'obstacle à l'exploitation de la terre. Surtout sur le continent de la débrouille. Ce qui manque peut être c'est une dynamique. Comme l'élan donné par Moude émigré en Italie qui a donné l'impulsion avec Sunugal.

Voyons quand même: il y a bien un forgeron qui s'occupe des charrettes et des chevaux, le moyen de transport de base dans la brousse sur les pistes sablonneuses. Et même sans artisan expérimenté, il y aura toujours un métallier qui vous fera tout ce dont vous avez besoin. Donc le forgeron magique griot marabout est ici un mythe. A moins qu'un homme seul en décide...

A la ville la plus proche, à Ngaie, un grand atelier s'est spécialisé dans la construction de machines agricoles sur mesure: moulins (arachide, à café, à poivre), presses, cylindres pour griller les arachides etc. Toutes ces machines sont assistées par moteur! Mamadou c'est un petit génie metallo. C'est le genre d'atelier qui vous fait une éolienne sur mesure pour alimenter la pompe du forage. C'est là que le travail du métal est important ! Les agriculteurs sont ainsi motivés pour faire de grosses récoltes.

*entre Louga et Thies
**Sunugal www.sunugal.it s'occupe de la valorisation de villages sénégalais avec l'agriculture bio. A Beude Dyeng on cultive un sol sablonneux enrichi au fumier et la culture maraîchère y est en plein essor.
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échange forge au lycée technique ???

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La forge est transmission -
Comment se fait la transmission du savoir en Afrique ? Jusqu'ici on a vu trois possibilités: on se démerde, comme toujours, et on ouvre l'atelier : on verra bien ; ou bien on va à l'école technique, sinon on apprend avec son père... mais les règles héréditaires de la profession déjà se désagrègent en Afrique. On veut aller à la ville...
A Saint Louis au Sénégal; la formation des jeunes au travail du métal se fait au lycée technique A. Peytavin. J'ai donc rencontré le chef des travaux M. Wade. Il serait possible d'organiser un échange entre les élèves du lycée et des forgerons venant d'Europe (Espagne et France). L'accueil à projet a été très enthousiaste. L'objectif serait de mélanger les savoir-faires pour donner aux élèves une expérience pratique. Réalisation d'outils de forge avant tout; fabrication et réparation des outils agricoles; pratique de la trempe... Les élèves ont déjà une connaissance théorique mais il leur manque une application directe...L'atelier dispose de 4 forges assez larges; de 3 enclumes et de très nombreux établis avec étau. L'année scolaire débute en octobre et se termine en juillet. Il conviendrait d'insérer ces sessions en milieu d'année. Je pense aller plus avant dans ce projet avec l'aide de l'association "AFOC (associacio de forjadors de catalunya) o Taller de Forja / http://www.tallerdeforja.net/". Lors de notre entretien nous n'avons pas parlé de financement..
Affaire à suivre...
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mercredi 6 janvier 2010

métal au sénégal

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Ma toute première rencontre au Sénégal s'appelle Clément. Ce serait comme rencontrer une météorite au magnétisme incompréhensible. Un homme à l'esprit hirsute et à l'allure robot mécanique. L'homme en métal extra-terrestre... Cet homme est à la mesure de la claque culturelle que je me prends en arrivant en Afrique noire. Déboussolant.

Bienvenue au Sénégal avec Azziz, ferronnier qui travaille sur la route nationale à la sortie de Rosso. Grande ville mais peu de clients. Quelques clients qui ne payent pas. Travaux de soudure et de redressement. L'enclume : une culasse de moteur de camion. Dans ce contexte il n'y a aucun respect pour le métier et son ouvrier. Sa place dans la société est banale voire marginale.



A Saint-Louis rencontre avec un collègue entrepreneur de 45 ans qui marque les étapes. Il commence à souder dans une case au quartier des pêcheurs, puis fait une formation de forgeron au lycée technique André Peytavin. Il réunit les appuis nécessaires pour construire un atelier en parpaings. Obtient de grands chantiers de charpenterie lourde genre entrepôt. Désormais en activité constante et prêt à affronter n'importe quel genre de commande. Il vient d'ouvrir une quincaillerie. Et en plus il est trop sympa, mais ça, ce n'est pas ce qui le différencie des autres sénégalais. Bref Saint louis c'est tranquille mais il travaille continuellement.

Plus récemment j'ai rencontré le grand maître forgeron de la ville. Un homme très respecté. Pap Seik. Tout le monde le connaît. Son atelier est juste près du pont au quartier des pêcheurs, le poumon de la ville. Il trône avec une trempe superbe assis devant une grosse dalle de pierre où domine l'enclume. Il ne me regarde presque jamais directement; je n'en suis pas digne. C'est ce même homme qui gère toutes les commandes des pêcheurs et armateurs. A Saint-Louis ça veut dire beaucoup. Il confectionne des haches ou des hermines maousses qui servent aux charpentiers à creuser à même le tronc de tek pour faire les pirogues. Il forge avec ses apprentis toutes sortes d'outils que ce soit pour la pêche mais aussi pour l'agriculture, Il peut vous faire des grilles ou tout autre produit de serrurerie sans aucun problème...Voici donc le deuxième grand homme que je rencontre au cours de ce voyage. Une aura qui me fait penser que c'est pas facile de rentrer vraiment en contact avec ces personnages. Avec le temps...
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mardi 5 janvier 2010

la forge aux portes du désert

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Pour faire une forge et organiser le foyer, il faut du bois ou du charbon de coke. Dans le désert il n'y a que du vent! Le grand obstacle c'est aussi l'acheminement de la matière avant et après sa transformation. C'est en fait la proximité du combustible qui facilite la sédentarisation du forgeron. Alors les nomades comment font-ils ? La forge dans le désert relève du tour de force.





Dans ces immensités où il n'y a plus de frontières l'homme vit à même le feu sous le brasier du soleil, c"est son esprit qui est forgé. Il vit dans le strict minimum tel l'ascète. La plus grande activité sera établie sur les côtes de l'atlantique dans les grandes villes de Dakhla, Nouakchott...à la frange des ces grands plateaux lunaires. Plus que jamais on travaille dans l'essentiel avec une exceptionnelle économie de moyens. Dans ces villes foisonnantes, on trouve une multitude de petits artisans. Ces petits ateliers de métalliers ne reculent devant rien. Tout est possible ! Toutefois l'art de la forge n'a pas vraiment lieu d'être. Nous sommes au Sahara et les ressources sont comptées. On fait dans le fonctionnel. En fait tout ce qui peut servir aux pêcheurs, aux négociants et à leur sécurité. Une ancre ? 4 barres de chantier en J soudées entre elles; la peinture métallisée c'est le luxe. A l'extrême du Maroc, l'extrême de la débrouille. J'ai vu un atelier qui a fabriqué ses propres machines à cintrer, plier etc.

Ce qui est aussi étonnant dans ces villes de sable c'est la grosse compétition entre les ferronniers. Face à face tous les artisans se rassemblent dans des rues entières dans la plus grande proximité et une concurrence farouches. Des portes; des grilles, des fenêtres, quelques motifs à la va-vite peut-être. Le paradis de la barre de chantier qui sert à tout n'est-ce pas? Le travail est extrêmement rapide. Travail à l'extérieur, sur le trottoir en sable avec deux pauvres tréteaux complètement défoncés. Plans et niveaux grossiers, on redresse après. Tout tourne comme une production industrielle mais dans un contexte artisanal.

En voyant cette frénésie productive et l'aspect plutôt rude de cette vie du désert, on finit par trouver l'idée de la forge décorative classique bien désuète. Bien superflue. Comme partout l'utile est l'assassin du décoratif. Mais pourtant les saharis sont des peuples très nobles. Cette fierté est investie dans la réalisation de bijoux extrêmement travaillés et donc raffinés. Dans des métaux magnifiques. Tous ces objets de grand style sont ceux qui sortent des micro-forges du désert. Des instruments réalisés dans le silence et le secret des dunes de sable.


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vendredi 18 décembre 2009

La montagne de l'âme

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Un détour. Un hasard qui, depuis Azrou, vous mène vers Ain Leuh puis, en dépassant une magnifique forêt de cèdres centenaires, vers une montagne, le jbel Bou Iblane. Ce sont les semi-nomades les Beni M'Guilds qui m'ont emmené là-bas au coeur du Moyen Atlas.

C'est par un autre hasard, comme par magnétisme, que j'ai entrepris une longue errance à pied. Pour arriver, après un long chemin, à l'entrée d'une espèce de caverne. Oui comme un boyau qui perce le flanc du rocher. Y entrer: De nombreuses galeries interminables qui descendent puis ??? des escaliers qui plongent vertigineusement comme pour vous précipiter dans le vide, dans un puits.

Puis c'est la découverte de ma vie, quelque chose que je n'oublierai jamais. Une immense salle, une cathédrale du fond de l'ombre où sont rassemblés des dizaines d'hommes en prise avec l'art du feu?!? Comme si une guilde souterraine de forgerons était venu s'installer hors du temps - ni jour ni nuit - et loin de la lumière - le combat du feu et de l'obscurité.

Au fond, quoi de plus logique? En un seul endroit sont réunies l'extraction, la fusion et la forge. Dans l'obscurité la couleur du fer devient parfaite, pure, de son rouge naissant au blanc soudant...Les nombreux ruisseaux se conjuguent pour actionner des martinets gigantesques qui pétrissent des éponges de fer fraîchement coulées. Comme si la montagne concentrait son énergie et son esprit dans la réalisation du grand-oeuvre. Un rythme étrange, hypnotisant, que ce martelage incessant et sourd comme la roche qui concasse le minerai.

Je n'ai pas trouvé le courage de leur parler, de troubler le rythme infernal de ces fabricants de l'ombre. Quels sont les outils qui sortent de ces forges titanesques ? Quels sont les aciers sublimes qu'accouche cette montagne ? D'autres têtes et forets d'excavation qui leur frayent un chemin jusqu'au foyer suprême de notre Terre, l'Ultime Brasier des Forgerons ?

Là où brûle la réalité...


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jeudi 17 décembre 2009

Essaouira, le fer mangé

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Tout est mangé par la rouille ! On y peut rien, la brise océanique lessive la côte sans relâche.

Ici, à Essaouira, le fer est ravagé par une corrosion omniprésente. Ici ce n'est pas la société qui va mépriser le ferronnier, c'est la nature, sans pitié. C'est comme si il y avait une accélération du temps, une grille prend en une année sa bonne patine de 100 ans. Humidité, sel et vent les ingrédients idéals pour ruiner instantanément les oeuvres de l'art du fer !









Essaouira a, au nord, vers la plage de Safi son marché à la feraille. C'est un des marchés les plus sauvages que l'on puisse trouver: tout en brut, matériaux arrachés, un grand recyclage des choses les plus improbables. Beaucoup de planches d'acier à demi mangées, des portails, citernes défoncées, planches cabossées, barres nouées ... tout ce que vous voulez, mais non reconnaissable. C'est pour le bon oeil !

Mais comme toujours au Maroc on ne recule devant rien. Des ateliers on en trouve plusieurs, qui avec la bonne vieille technique rudimentaire, s'accommodent de tout. La majeure partie d'entre eux sont de petite taille et obligent les artisans à travailler dehors pour réaliser les grilles forgées. On cintre à froid, on travaille peu avec le feu. Le grand duel des éléments: la marée océanique ou la fournaise terrestre. Qui aura la dernière raison ?





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vendredi 4 décembre 2009

L'oeuvre ancestrale à froid

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Une technique basique, prenez une feuille de métal, un marteau et un burin. Après avoir dessiné ce que vous voulez faire sur cette pièce de métal, vous tranchez les motifs à froid avec le burin*. Une fois le contour terminé, vous emboutissez ou emportez la pièce qu'il faut détacher. Ainsi vous allégez votre oeuvre en l'ajourant de toutes parts. Par contre vous alourdissez votre travail en heures de ciselage, patience! C'est ainsi que se réalisent toutes les luminaires et appliques qui nous viennent du Maroc.

Si, au lieu de trancher ou percer le métal, vous ne faites que l'entailler, alors vous obtenez une planche prête à la réalisation d'une damasquinerie. Au préalable vous avez patiné votre acier en noir. Il s'agit ensuite de découper des fils d'argent et les incruster par martelage dans les fissures entaillées. Vous obtenez ainsi de magnifiques pièces en fer noir tissées de fils d'argent. Encore une fois : Patience!

C'est en voyant toute cette aptitude au chef d'oeuvre artisanal que l'on commence à entrevoir la dissolution du temps. Les heures ne comptent plus puisqu'elles sont miennes!
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(le burin est un petit instrument qui ressemble à un stylet en métal dont la pointe est un tranchant)

L'école des arts et métiers de Tétouan

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Une rencontre édifiante avec le Maalem forgeron Mohamed Kanchouf. Il est responsable de l'atelier de forge artistique qui a lui seul est un vrai petit musée. Il fait tout son possible pour enseigner les techniques de travail traditionnelles c'est à dire à la manière ancienne. Dans un atelier très ordonné et propre, les élèves sont donc confrontés directement à la matière avec un petit marteau et un burin. Ils apprennent à ciseler et découper les motifs classiques dans une feuille de métal. Tout au long d'un cursus de 4 ans on leur transmet la capacité de réaliser les beautés de la forge artistique marocaine.

Le maître est une personne pleine de passion et de patience, deux qualités qu'il essaye aussi d'enseigner. Il possède non seulement une très grande maîtrise de son art mais il domine un grand nombre de techniques différentes: travail de ciselage à froid, forge à chaud, techniques de chaudronnerie, damasquinerie avec incrustation d'argent, travail du laiton. Il a commençé dès le plus jeune age, a reçu un stricte enseignement de son père forgeron et n'a guère plus de 45 ans. Mais aujourd'hui il a la tranquillité de celui qui peut tout faire en fer. "Ce n'est pas l'âge qui compte, dit-il, il faut avoir ça dans le sang." Ou dans le coeur...
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mardi 1 décembre 2009

L'artisanat dans le Rif marrocain

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A Tétuan, la blanche colombe, l'art est très estimé. Le sens de l'esthétique presque partout présent dans l'esprit arabe y est exacerbé. On y trouve une des seules écoles des beaux-arts du Maroc me dit le professeur Hassan Echair, un artiste accompli. L'école d'artisanat montre dans son petit musée une grande finesse de travail sur le cuivre, le laiton, la damasquinerie, mais aussi le bois, les textiles ou enfin la bijouterie. Seulement voilà on a des goûts de luxe, on préfère parler de bronze plutôt que de laiton. C'est probablement l'héritage de plusieurs générations de pirates qui vinrent commercer sur les rivages de cette cote méditerranéenne. C'est là que l'on commence à privilégier le cèdre et le cuivre ou l'argent et délaisser le fer trop souvent considéré comme une "pacotille". C'est là que l'on retrouve cette grande attirance pour le clinquant, la richesse. Pas de symbole!




La forge artistique fait l'objet de désaffection, cela vaut une enquête pour comprendre pourquoi. Il s'agit bien évidemment d'un problème d'argent. Au risque de me répéter, le travail artistique du fer n'est pas valorisé et ses artisans non plus.
Nous voudrions aussi convaincre, contre toutes les idées reçues, qu'il existe dans la technique de forge une richesse intérieure pas forcemment apparente dans le résultat, comme une intention ou une charge... mais là on s'aventure. La réhabilitation du rôle du forgeron dans la société, c'est de ça qu'il s'agit, de reinsérer un peu de spiritualité. J'ai vu un ancien, oublié, assis à côté de son enclume endormie, prostré, qui semblait plus inactif qu'un volcan sahari! Figé dans le passé...
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lundi 30 novembre 2009

La Grande Fête Musulmane

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SAjouter une imageamedi 28 Octobre, C'est la grande fête religieuse de l'année. Aid-el-Kbir, la grande fête du mouton, mais ce serait beaucoup dire que les moutons ont fait la fête! Ils ont tous finis égorgés, décapités leurs cornes coupées à la hache, leur tête et leurs pieds brûlés puis soigneusement raclés, leur sang dégoulinant en petits ruisseaux dans les ruelles en pente du souk et leur peaux retournées, entassées, prêtes pour le marché. Ca ne sent pas la tripe, ça hume, ça fume le brûlé, le poil cramé. Les couleurs rouges et noires et des yeux sans corps qui ont fini de bêler. Les silence des agneaux ? Ici, on perrenise le rituel, il n'y a rien d'extraordinaire. Le traditionnel sourire n'est plus là, mais la tranquilité active que l'on trouve au Maroc. Après ce grand moment sacrificiel où se mélangeaient le charbon, le sang, la boue est venue une pluie violente cinglante comme envoyée pour laver la terre; la pluie ici, on la remerçie...Allah Agbar!

Pendant toute la semaine auparavant, j'ai donc pu voir tous ces ateliers de métal en pleine frénésie. Toute une activité pour préparer les haches, couteaux, piques, racloirs et brasiers. Cette collection d'outils qui vient s'insérer entre l'homme et l'animal pour réaliser le geste sacré. Les meules à affuter en pierre ne cessaient de tourner, tout un pays mobilisé à la préparation de cette grande fête religieuse. Toutes les familles ou presque sont là mais pourtant on garde une impression de vide peut être parce que tout est fermé. Quand le négoce s'arrête au Maroc tout semble étrange, inquiétant presque. Cette semaine tout est calme et fermé ce sera plus difficile de trouver des artisans en activité!

Dans la campagne, avec une famille ce serait une expérience vraiment forte; ne pas être un simple spectateur d'un massacre massif et un poil désincarné, que l'on voit en ville. Cet urbain qui présente toutes ses discordances avec la vie de société : mêmes les actes les plus fondamentaux perpétués sont victimes de l'individualisation. Le sacrifice est fait en famille bien sûr, non en communauté et pourtant ce devrait être une immense fête de réconciliation, mais non.

Une très forte impression sur les sens que cette célébration, comme une descente dans les souks où tout est couleurs, odeurs/parfums, rumeurs, saveurs et contacts. C'était comme un autre théatre sensoriel de l'Afrique et toute sa force! Des sacrifices, j'en fais beaucoup ces jours-ci sur ma petite vie tranquille et autres habitudes dilletantes! Renoncement qui forge et renforce.

lundi 23 novembre 2009

Le Passage à Meknes

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A Meknes, dite "ville de passage", j'ai bien failli continuer mon chemin et perdre un beau foyer!
Les premiers ateliers rencontrés ne se différenciaient pas beaucoup des nôtres. Il fallait persister; Dans ce quartier Bab Djedid, une rue entière de ferronniers.

Les ateliers sont tous là regroupés au même endroit depuis plusieurs générations. Le lieu est chargé. A l'entrée plusieurs artisans fabriquent des "braseros" pour cuire les brochettes lors de la fête du mouton idKBir. En avançant, on trouve les palissades typiques du Maroc d'un assez bon style. Vers le milieu de la rue, une très belle forge en briques réfractaires avec un artisan plutôt jeune. Il travaille tout seul sur des barres de 20 par 20 avec un marteau de 3 kg, sans forcer. Encore une fois les gestes sont précis, économes et justes. Il reproduit le même dessin au jugé. Une espèce de vitrine force l'admiration: une énorme serrure très travaillée avec sa clef d'un demi-mètre et ses ferrures. Destinés à un palace royal, on peut imaginer que la porte va faire 5 mètres de haut environ. on peut aussi voir un travail de martelage au burin sur des petites plaques en acier. C'est un façonnage délicat de feuilles ciselées. Un vrai travail à la main. A plusieurs endroits on voit des meules anciennes: De grosses roues en pierre ou argile. Tout en contraste avec les disqueuses hurlantes qui tournent tout alentour.
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jeudi 19 novembre 2009

La forge à Fez

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Fez est pleine d'activité artisanale. Le roi veut en faire une vitrine en inaugurant un centre des arts et métiers de l'artisanat. Cependant, cette ville mystérieuse ne se livre pas si facilement. Pour le travail du métal, elle contient tous les styles d'atelier : du plus rudimentaire jusqu'à la forge traditionnelle.

Commençons par une visite du souk au quartier bien populaire de Ben Slimane. Dans ce quartier il n’y a pas de place pour le forgeron. De nombreux ferrailleurs font le même business toujours comme en Espagne : récupération et vente à plus ou moins 10 ct le kg. Dans le même coin, les ateliers travaillent uniquement sur le recyclage avec un gros niveau de "débrouille". On trouve toujours des remplacements et la qualité du travail demandé n’a pas besoin du feu qui serait déjà une technique trop chère ? On est dans le rafistolage permanent avec aussi des boutiques qui ne font que souder !

Dans la vieille ville il reste peu d’ateliers traditionnels. Deux d’entre eux s’occupent des grilles en rosaces traditionnelles marocaines où tout est fait à la main avec la forge et des coups de marteaux très précis. Le maître a toujours une très forte personnalité, le contremaître est toujours un grand frappeur, comprenons un grand artisan qui a un minimum de 20 ans de métier. L’un d’eux est presque toujours au sol pour travailler, comme l’enclume qui repose à terre. Le métal est souvent recyclé et là on voit le travail de redressement, qui est la base du métier et occupe une bonne partie de la journée. Le travail est précis mais souvent fait au jugé comme le tranchage à chaud d’œillets sur une tige ! Toujours un minimum de coups de marteaux. Autrefois on formait des profils sur un fer plat, comme un moule qui renforce. Au Maroc on continue de faire de cette manière !

Juste au dessus de la ville moyenne, se trouve un forgeron ; il travaille dans un atelier assez réduit en taille, sur le trottoir et avec le sourire. Ce chef a eu un grand maître, qui aurait décoré la chambre du roi, et il lui a repris l’atelier. Un lit en fer forgé vient juste d’être fini et le travail est d’une grande précision avec un dessin classique d’une belle simplicité. J’ai aussi vu la réalisation d’une petite feuille ciselée au stylet sur le dessin collé sur une plaquette en acier (on voit le plus souvent ce travail sur cuivre, car beaucoup plus facile). Et la forge ? Pas de forge , ici on travaille au chalumeau. Un ami de l’atelier dit que ce travail du fer n’est pas assez valorisé soit par manque de budget, soit par manque d’intérêt. Cet atelier mélange l’acier avec le cuivre ou avec le bois selon les circonstances…tout est possible au Maroc.

Ce qui marque beaucoup à Fez c’est la rapidité à laquelle ils travaillent et c’est peut être ça qui fait une sélection. C’est la même chose dans tous les métiers du métal. Un artisan qui confectionne des plateaux en laiton met 10 mn. pour terminer la pièce, après 40 ans de métier ! C’est aussi la diversité. Sur une place de la médina il n’y a que des chaudronniers qui sortent des auges énormes faites à la main, au marteau en bois, au brasier, au pied, au tas en tronc creux ou sur enclume en forme d’ancre ! Une forge ancestrale, un sacré métier !
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